Dans la frénésie d’une fabrique de français énervés, les médias tiennent un rang distingué. Il n’y a guère de jours où un branquignol ne vous serine derrière son micro qu’il vous faut être prudent, de faire attention, de vous méfier. Des tonnes de conseils vous sont martelés au-delà de la satiété : ne fumez pas (surtout des cigarettes de contrebande ou du cannabis qui ne sont pas taxés), ne mangez pas sucré (ni salé, ni gras, ni trop, ni trop peu), ne buvez pas d’alcool (de boissons énergisantes, de boissons sucrées) , ne vous penchez pas (par la fenêtre, au bord de la falaise), ne marchez pas (sur la pelouse, en-dehors des passages cloutés ou zébrés, ne roulez pas (sans votre ceinture, en fumant, en téléphonant, sans regarder votre compteur de vitesse, quand il pleut trop, quand il gèle, quand il y a des embouteillages, si vous pouvez prendre un bus, un train, un vélo, voire utiliser vos pieds) ; et puis les obligations : faites une mammographie, une coelioscopie, des tests d’effort, un bilan de santé, faites-vous palper, analyser, doser …
L’imprudent est un traitre à la cause du progrès (de la santé, de la sécurité), un saboteur des services publics que déverse sur nous un état bienveillant, un cancre incapable de comprendre tous les bienfaits de sa mise sous tutelle, un contre-révolutionnaire qu’il serait urgent de rééduquer