Elles ne créent pas un emploi, en détruisent beaucoup à force d’optimisation, de rationalisation, de suppression d’un maximum d’interlocuteurs, de l’abandon à lui-même des clients. Elles ne proposent qu’une palette de plus en plus réduite de produits par référencement qui permet d’imposer un seul modèle, une seule marque au détriment de toute diversité, en vertu d’un oubli systématique de la notion de qualité au profit de celle du prix. Elles oppriment les producteurs : qui n’a pas en tête l’humiliant passage devant les acheteurs des centrales d’achats des grandes surfaces ; qui n’imagine pas la terreur du responsable de PME menacé de déréférencement ; qui n’a entendu parler de toutes les méthodes pour extorquer des sous aux producteurs, comme les marges arrière, le financement des stands de présentation, les contrats de progrès etc… Elles enlaidissent tous les abords des villes et des bourgs avec leurs entrepôts quasi tous identiques, quasi tous hideux, leurs parkings qui étendent leurs pattes bituminées tout autour, leur empilement de produits emprisonnés dans leur gangue de plastique. Elles abrutissent leurs clients en leur faisant miroiter la possibilité d’acheter un maximum d’objets au détriment de l’acquisition d’un seul utile et de bonne qualité. Elles font régner une inégalité effarante entre les travailleuses sous-payées, aux horaires aléatoires, enchainées à leurs caisses enregistreuses, et les propriétaires qui s’enrichissent sans créer de richesses.
Elles ont enrégimentés dans leurs troupes, les associations de consommateurs qui suintent de haine envers le fabricant soupçonné de mal produire, les autorités de la concurrence qui font une fixette sur les ententes entre producteurs et laissent quelques centrales d’achat faire leur loi sur les marchés. Quant aux autorités locales elles sont à plat ventre devant ces puissances qui leur financent leurs chers ronds-points et autres fantaisies édilitaires. L’état central ferme les yeux devant tous ces dérapages, croyant donner du pouvoir d’achat par la baisse des prix du fameux panier de la ménagère, alors qu’il favorise l’effondrement général de la qualité, le dépérissement des centres villes et tous les coûts associés à ces mauvaises pratiques.
Malgré ce désastre, beaucoup se réjouissent de la prospérité des Leclerc, Carrefour, Intermarché, Casino, Conforama, Bricorama, Castorama, Décathlon et autres grandes enseignes. La grande satisfaction est que leur modèle est périmé : qui a encore envie de se trainer dans des banlieues sordides, pour se garer sur un parking sinistre, et parcourir des allées interminables ? Qui a encore envie de gagner quelques cents, voire quelques euros sur des produits fabriqués on ne sait où, par des mains d’oeuvre surexploitées ? Beaucoup moins cher en réalité, beaucoup plus facile de commander sur des plates-formes qui peuvent offrir une gamme beaucoup plus large, avec des magasins relais de proximité pour voir ce qu’on achète. Alors adieu à toutes ces grandes surfaces : elles sont en fin de vie, encore quelques années et les pissenlits repousseront sur les ruines de ces horreurs.