Rocard a disparu. Il n’a jamais été président quoiqu’il l’ait voulu et en eut les capacités. C’est vrai d’autres de ce son acabit, tous très différents : Messmer, Barre, Delors, Balladur, Seguin, Fillon. Tous hommes de qualité, d’ambitions, tous éclipsés par un vaniteux comme Giscard, un escroc comme Mitterrand, un incapable comme Chirac, un matamore comme Sarkozy, un aboulique comme Hollande. Curieux ce manque de chance, ou de ténacité, ou de hargne pour passer du poste de brillant second à celui de président de la République. Est-ce vraiment leur faute, ou plutôt n’est ce pas la volonté d’un peuple qui préfère se choisir un chef parmi les velléitaires, les superficiels, les cyniques, qui se méfie des honnêtes pour se fier aux tordus, qui s’inquiète des talentueux pour s’abandonner aux imbéciles brillants.
Triste destinée de ce pays qui a rarement su choisir ses dirigeants et se convulse d’admiration devant les intrigues florentines, les préoccupations sibyllines, les manœuvres machiavéliques, les sous-textes, les non-dits, les coups à trois bandes, qui s’abandonne à celui qui ment de façon éhontée, courtise sans vergogne, achète sans état d’âme les appuis, les votes. L’envie, la haine, la vengeance sont des mobiles que notre peuple vit et comprend et qu’il aime donc retrouver chez celui qui l’incarne.