Editorialiste des Echos, conseiller spécial à l’Institut Montaigne, professeur au King’s College, Il fait partie de ces élites autoproclamées qui affectent de ne pas comprendre ce qui se déroule sous leurs yeux. Ils baptisent du terme, méprisant dans leur esprit, de populisme ce qui contrevient à leur dhoxa basée sur deux convictions :
- la mondialisation est inéluctable, avec les corolaires qu’il est vain d’aller contre la naissance d’un citoyen du monde, et que « big is beautiful », et donc l’avenir est dans l’abolition des pays dans des entités de plus en plus larges ;
- la légitimité démocratique est synonyme de la primauté du juridique sur la culture ; ce qui est important n’est pas d’être libre de penser mais d’être obéissant à un état conçu comme l’expression parfaite de la volonté des citoyens.
Le populisme, à ce titre, et pour lui, n’est que l’inverse de ces principes.
Le Brexit est l’expression d’un rejet d’un certain type de mondialisation : celui qui fait que le moins-disant social triomphe, soit à cause de régulations européennes qui prétendent imposer une libre circulation des personnes sans harmonie des couvertures sociales, soit à cause d’une immigration du Commonwealth qui tire les rémunérations britanniques salariales vers le bas sans contreparties significatives exigées des pays sources. Evidemment un vote à un référendum mélange du rationnel (les régulations européennes) et de l’irrationnel (une immigration des ex-colonies) : mais autant il est légitime de qualifier l’irréalisme de populiste, autant il est absurde de ne pas vouloir comprendre que le rejet de l’Europe par les Britanniques est une option légitime. La Grande-Bretagne n’était pas dans l’Euro, sa place financière peut continuer à fonctionner aussi bien que New-York ou Dubai, la Grande-Bretagne n’a pas besoin du plombier polonais, ou du soudeur roumain; la Grande-Bretagne n’a besoin que de traités de libre-échange entre elle et les pays européens, traités dont on ne voit pas qu’ils seraient dans l’intérêt de toutes les parties et donc sans difficultés de principe à négocier. Alors le Brexit est populiste dans sa partie qui ne concerne pas l’Europe, il est parfaitement légitime dans son rejet d’un Bruxelles qui a abdiqué depuis longtemps (depuis toujours ?) dans sa rage de régulations (la foultitude des obligations sur la libre circulation des hommes et des marchandises) et son absence de principes (l’absence de toute définition de ce qu’est l’Europe et de ce qu’elle doit devenir).
Le populisme est également associé à un nationalisme identitaire porté par la crise migratoire. Je ne comprends pas ce qu’il y a de non défendable dans l’idée qu’un peuple, une universalité de citoyens, passe un contrat avec ses dirigeants pour leur déléguer un certain nombre de missions régaliennes, et parmi celles-ci la défense de sa culture incarnées par une langue, un mode de vie. Il est malhonnête de qualifier de « peur » une volonté de défendre (et pas seulement de défendre, mais de promouvoir, de répandre) des acquis, des modes de pensée, des façons de travailler et de réaliser. Le biais qui consiste à nier les identités en les affublant, pour les discréditer, du qualificatif d’ethnique est profondément malhonnête ; la relativité des identités (leur absence d’importance essentielle, leur absence de résilience) n’est qu’une opinion, celle de penser qu’un métissage mondial de toutes les cultures est un avenir inéluctable, qu’il est de plus souhaitable parce que la richesse viendrait du mélange. Dans l’esprit des contempteurs de l’identité des pays, des religions, des cultures, la liberté des individus doit s’effacer derrière une conception d’une démocratie mondiale qui n’aurait d’autre souci que le bonheur de chacun corseté dans un appareil de lois dites humanistes qui privilégieraient en fait les libertés d’aller, de commercer, sur celles de penser ou de créer.
Cette philosophie utilitariste conduit les Moïsi et autres à ne rien comprendre à ce qui provoque colère et révoltes chez les peuples occidentaux, et ne peut justifier qu’ils traitent avec condescendance, et même avec mépris, ce qu’ils sont incapables d’analyser correctement.