Il existe des principes au-dessus des lois, même constitutionnelles. L’un d’eux s’appelle la proportionnalité des moyens mis en œuvres (puis des peines appliquées) à l’égard d’un délinquant présumé puis avéré.
L’affaire Mélenchon, comme celles de Marine Le Pen et de Fillon montre que ce principe n’est pas respecté : que le parquet estime qu’une débauche de moyens ou une précipitation hors normes est nécessaire est au moins intrigant (ce qui relève de l’anecdote), mais, plus grave, attentatoire à l’égalité de tous devant la loi, à la bonne administration de la justice. Que l’on trouve inadmissibles envers les policiers les vociférations de Mélenchon ne doit pas être une excuse pour effacer la faute qui se commet sous nos yeux : la prise en otage de la politique par un pouvoir judiciaire hors de tout contrôle qui a tendance à oublier qu’il ne doit être que l’émanation de la souveraineté populaire.
Ces affaires sont d’autant plus douteuses que le délit en cause, des emplois fictifs, est une construction intellectuelle qui n’est basée que sur une conception bien étroite de ce qu’est un travail : imagine-t-on un poète devant prouver l’utilité de ses rêveries, un mathématicien devant justifier ses intuitions, un artiste devant s’expliquer sur la qualité de sa réflexion avant de se saisir des instruments de sa discipline ; mais quel inutile n’a pas prouvé la pertinence de ses élucubrations à force de rapports abracadabrantesques, quel parasite n’a pas argué de sa présence somnolente derrière son bureau pour se targuer de son utilité. Cette notion d’emploi fictif est une arme trop floue pour qu’elle ne puisse pas être utilisée avec de mauvaises intentions.
La justice ne peut se cacher derrière la loi. Il est, il y a eu des lois indignes, mal rédigées, inapplicables. L’honneur du pouvoir judiciaire n’est pas d’appliquer la loi il est de l’interpréter pour atteindre l’objectif d’une égalité de tous devant l’application de la loi.