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15 décembre 2018 6 15 /12 /décembre /2018 12:28

Le respect ne porte plus sur les personnes mais sur leur corps : ils doivent l’entretenir par le sport, l’exalter par les soins, le vénérer pour sa beauté.

Le corps des morts lui doit disparaître de la vue des vivants : incinérez-le, dispersez-le plutôt que de l’enfouir. Envoyez le dans des banlieues inatteignables, qu’il soit au plus loin des vivants. Enlevez-le de la vue de ceux qui ont le plaisir de continuer leur carrière de consommateurs.

Même le corps à l’agonie doit être caché : son aspect décrépi, fané, est une insulte à ceux qui survivent, une sorte de rappel de la l’ineffaçable rançon de la vie, la mort ! Le mourant est expulsé de son logement pour qu’il aille disparaître « dans la dignité » dans des mouroirs, hospices, asiles, ou toutes sortes de maisons spécialisées dans le camouflage de ces être fragiles et amochés.

L’atteinte à un corps encore glorieux est ressenti comme une infamie : les châtiments corporels sont ressentis comme un outrage quand ils ne sont qu’expéditifs ; la souffrance psychologique est préférée à la souffrance physique ; la durée de la peine qui torture l’esprit est privilégiée par rapport à l’instantanéité du châtiment physique ; l’une facilité la repentance imaginée du condamné, l’autre le pardon de celui qui inflige la peine.

 

Tout est dit de notre société qui, à force de porter aux nues la jouissance physique, d’idolâtrer ce corps physique qui peut la procurer, en vient à vouloir nier l’abaissement du corps, soit total dans la mort, soit dans les infirmités qui peuvent l’atteindre. La mort ne se prépare plus, elle est devenue un désastre qu’il faut camoufler ; plus question d’appeler le confesseur, voire le notaire, il faut mentir à tout prix, endormir dans un coktail de substances ; l’absence de futur est devenue une règle d’airain qui justifie toutes les lâchetés devant la fin de la vie. Des mots disgracieux prétendent nier la réalité de la décrépitude ou de la maladie ou de l’infirmité, au prétexte de ne pas les stigmatiser : le cortège des non-voyants, des mal-entendants, des personnes à mobilité réduite, disparaît sous un océan de larmichettes, un torrent de compassion, une pitié insupportable.

 

 

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