Etre délateur devient une fierté, voire une sorte d’obligation morale. Il faut dénoncer les comportements, vilipender les pratiques jugées non conformes, et surtout faire la clarté sur tous ceux qui ont le moindre statut public. Les nouveaux héros de cette croisade approvisionnent en toute confidence des journalistes avides de scandale, vendent leurs informations à des organismes d’état qui les rémunèrent.
A Venise, jadis, quand un habitant glissait une dénonciation dans la « bocca di leone » du palais ducal, il fallait pour être prise en compte qu’elle soit signée et appuyée de témoignage. Chez nous, naguère encore, les lettres des corbeaux étaient considérées parmi les manifestations les plus viles des êtres humains.
Fini tout cela. Sous le nom chantonnant de « whistle blowing », sous l’appellation mi espionage-mi aventure de source fiable (ou gorge profonde), les professionnels de la médisance ou de la calomnie remplissent maintenant leur devoir de citoyen, ou libèrent une parole opprimée.