La perte de la notion de salut dans notre monde actuel est un sujet essentiel mais il ne faut pas oublier sa contrepartie indispensable, la perte de notion de devoir tout autant en perdition. La recherche de salut n’avait de justification que si elle était accompagnée d’une obligation de remplir ses devoirs : un bonheur futur individuel ne pouvait être atteignable qu’avec la meilleure exploitation possible de ses talents, la prise en compte, non pas d’un bonheur terrestre inatteignable, mais des besoins de ceux qui nous entouraient.
La désacralisation de la mort, le culte d’un bonheur terrestre ont très naturellement augmenté la peur de la mort. La mort n’est plus un passage mais l’interruption d’une félicité d’aujourd’hui. La vie n’est plus seulement une offrande à Dieu et sa protection une impérieuse nécessité pour permettre l’accomplissement de la destinée de chacun ; elle devient une idole en-soi, la réussite d’un projet individuel, l’accomplissement de désirs.
La recherche du salut s’amoindrit dans une politique sociale, une charité, la manifestation d’une bonne conscience. Retour au temps des indulgences ; les pénitences sont remplacées par des bonnes actions ; des prières inefficaces par des actions court-termistes ; avant il fallait acquérir le pardon de l’église ; il faut maintenant être approuvé par une O.N.G. humanitaire.
Comment reconnaître l’expression du devoir dans ces larmoiements sur des immigrés, ces apitoiements sur des pauvres, ces geignements sur les victimes. La véracité des pleurs, des cris, des aides qui font plaisir au donateur, cachent l’inexistence de la réflexion sur le futur des malheureux, le mépris des situations au profit d’une prétendue générosité immédiate qui cache mal une profonde ignorance de l’avenir.
Aux bonnes âmes dévouées à tous dans leur sirop humanitaire, je préfère de véritables artisans qui savent faire la part entre ceux qu’il faut aider et ceux qu’il faut négliger, voire stigmatiser; Aux forcenés de l’aide tous azimuts perdus dans leur recherche d’une bonté universelle, je préfère les combattants qui aident là où il pensent que c’est nécessaire ou utile quitte à passer pour peu catholiques.
Les bons sentiments sont les mauvaises herbes du salut. Le devoir est plus souvent d'un accomplissement difficile.