Plus stéréotypée, tu meurs.
Elle bée devant les professeurs de médecine qui se succèdent en rangs serrés sur son plateau (il n’y a pas que les urgences qui soient engorgées) : incapable de leur apporter la moindre contradiction, même s’ils débitent des âneries sur l’efficacité au moins suspecte du confinement ; inapte à leur faire avouer le nombre de patients qui arrivent à ne pas sortir les deux pieds devant de leurs lits de réanimation ; soumise devant leurs déclarations lapidaires sur la date du déconfinement, la nécessité de dépenser sans fin pour leur art.
Elle s’apitoie, les yeux mouillés, lorsqu’on évoque la mort d’une jeune sous l’emprise du coronavirus (en omettant de dire qu’elle avait un autre pathologie qui l’a fragilisée) ; les pupilles écarquillées quand le dernier brancardier venu vient exposer ses actes de bravoure sur le front (front il y a puisque nous serions en guerre paraît-il) ; la bouche effondrée dans quelques plis graisseux pour évoquer le nombre dramatique de morts avec une concupiscence qui transparait dans les rides au coin des yeux.
Elle s’irrite contre les affreux qui vont se promener sur des plages désertes ; elle maugrée envers les contempteurs du professeur Raoult et ses galéjades marseillaises ; elle ne comprend rien à l’idée qu’il puisse exister un monde économique en train de se fracasser ; elle est incapable de prendre une distance quelconque avec l’émotion immédiate, le chiffre du jour, la peur d’hier et les platitudes d’aujourd’hui. L’avenir pour « Babette » se limite au prochain audimat, le reste relève de caprices d’irresponsables qui ne peuvent comprendre la grandeur des témoignages qui sont présentés dans ses studios.
Poupée de son, le bruit des commérages creux et des compassions vaines; poupée de chiffon, le drapeau de la fausse guerre d’un hôpital en déroute, le masque hideux de scientifiques qui tentent vainement de faire croire qu’ils guérissent.