- La résurrection de Lazare
Dieu dans son empyrée se préparait à accueillir un des rares amis de son fils. A Béthanie, sur la terre de Canaan, dans la puanteur des chairs qui commençaient à se décomposer, seul l’effluve des parfums que les sœurs de Lazare avaient préparés pour oindre le mort surnageait un peu. Le cimetière était enchanteur, accroché au flanc de la colline, humidifié par un petit ru, cerné par un mur de pierres sèches pour le protéger des chèvres et des bêtes sauvages, inondé de soleil, sonorisé par les stridulations des criquets, ombré par des cyprès, style candélabres, plantés jadis par le grand-père de Lazare qui avait fait une grasse fortune dans la production et le commerce de l’huile d’olive. Une tentation pour les vivants qui rêvaient de reposer en paix. Tout semblait calme et tranquille, le soleil jouait les tachistes avec les branches, dessinant quelques ombres pointues sur les chemins caillouteux qui serpentaient entre les tombes. Celle des Ben Nathan était ouverte ; de là sortaient les odeurs morbides qui combattaient les senteurs de la myrrhe. Marie et Madeleine, drapées de vastes tuniques blanches, étaient au bord de la fosse, pleurant leur frère mort hier soir. Jésus et quelques-uns de ses disciples les entouraient. Il était accouru quand il avait appris de sa mère (une cousine du père du défunt) la maladie incurable dont était atteint Lazare. Il était arrivé sans avoir pu lui parler avant qu’il ne meure. Un enterrement comme tant d’autres, avec les employés municipaux, debout, appuyés sur leur pelle, attendant sans impatience les dernières momeries de la famille et des proches avant de combler la fosse et de placer dessus la pierre tombale sur laquelle ils venaient d’inscrire au burin : « Lazare Ben Nathan, parti du monde si jeune ». Dieu, dans des nuées invisibles du sol, donnait ses dernières instructions aux anges et archanges pour accueillir son parent par alliance dans la dignité.
Coup de tonnerre dans un ciel bleu (c’est ce que l’on dit je crois pour traduire un effet de sidération, et puis le ciel était d’un azur profond ce qui n’avait rien de surprenant en Judée à cette époque de l’année, le tonnerre personne ne l’entendit mais faute certainement d’avoir écouté … tous furent saisis par la surprise puis la crainte). Visage hagard de Dieu profondément choqué ; affolement de la clique céleste qui ne sut plus quoi jouer. Jésus, sans que personne ne lui ait rien demandé de pareil, décida de l’inconcevable en proférant les mots « Lazare, lèves-toi et marche ». Le pire fut que le mort (ou prétendu mort s’accrocheront les rationalistes) se leva et marcha. S’il était seulement assoupi, il avait bien trompé ses sœurs qui l’avaient oint d’huile et entouré de bandelettes. S’il était en catalepsie, Jésus était un thaumaturge hors pair qui sut choisir ses mots, son intonation pour le réanimer à ce moment précis. Mais Dieu savait pertinemment que son fils avait sorti Lazare du chemin qu’on ne rebrousse jamais, pour manifester au monde qu’une autre résurrection allait venir, autrement significative.
Lazare cligna des yeux dans l’éclat du soleil. Il ne comprenait pas pourquoi tant de lumière : Dieu ? L’Eden ? Un monde d’étoiles ? Une énergie qui lui chauffait agréablement la peau, idéal pour un temps paradisiaque ; curieux… une petite brise dans les cheveux, l’air agité par les ailes des archanges ? Bizarre … ces grains qui roulaient sous ses pieds, de l’encens semé par les chérubins ? Incongru … ses doigts semblaient immobilisés dans un genre de mitaines, non de gants, non de moufles, mais de bandelettes plutôt serrées ; il entendait vaguement un murmure, sans discerner des mots, sans reconnaître un timbre, mais accompagné d’une vague d’effroi, de peur, qui transformait les sons en petits cubes gelés qui le glaçaient malgré les rayons.
Juste avant qu’il ne touchât les graviers de ses orteils, qu’il ne humât des parfums de myrte, qu’il n’entendît comme des oh et des ah de surprise apeurée, qu’il ne devinât la lumière à travers ses paupières closes, qu’il ne coulât de l’aigreur dans sa gorge (de la bile ?), il lui sembla qu’un bouleversement avait traversé ses chairs, qu’elles étaient comme vidées au-delà de toute fatigue, que son esprit était lessivé … mais pas plus blanc que blanc ; quelques souvenirs surnageaient d’avant quelque chose, et plus précisément une voix de baryton claire, impérieuse, chaude qui lui avait dit : « lèves-toi et marche » ; rien d’un ordre militaire, rien d’une obligation, mais plutôt comme une suggestion sans obligation, une opportunité, une offre… en effet, une proposition, qu’il fut libre de choisir ou de ne pas choisir, d’oublier pour s’enfoncer dans une lumière ou une ombre immense, ou qu’il put accepter ; il accepta ; il accepta parce que cette voix était celle d’un ami, quelqu’un qui lui voulait du bien, ou qui pensait qu’il était bien qu’il choisît cette nouvelle destinée ; car c’était une nouvelle destinée, un nouveau départ, mais sans être une réincarnation, car son corps était le même, avec les mêmes douleurs dans le ventre, le même élancement occasionnel dans un durillon du petit doigt du pied droit, et surtout la cicatrice dans sa tête de cette tumeur qui l’avait emporté la veille ; ses souvenirs n’étaient pas vraiment accessibles mais il les sentait tous prêts à revenir, sur le bout de la langue ; il était l’ami, le cousin de celui qui l’appelait ; ils avaient le même âge, et chaque fois qu’ils s’étaient rencontrés, ils étaient tout de suite sur un pied d’intimité ; pourtant quoi de comparable entre l’entrepreneur prospère, et le charpentier itinérant qui ne travaillait que pour subvenir à ses besoins élémentaires. Et à chaque occasion, ils avaient plaisir à se prendre un petit gorgeon ensemble à la taverne la plus proche (ils aimaient tous les deux le vin, celui de Capharnaum en particulier, rouge violacé, en croquant pour éviter l’ivresse quelques amandes et olives grillées), puis à partir en ballades sans buts et parler à en perdre haleine. Ils avaient la passion des voyages, l’un quadrillant tout le territoire entre la mer de Galilée, la mer Morte et la mer Méditerranée, l’autre se hasardant plus loin à Gaza, Alexandrie, Antioche, Ctésiphon. Et ils échangeaient sur ce qu’ils avaient vu : l’un sur la variété de toutes ces populations qui s’étaient stratifiées en Galilée, en Samarie, en Judée ; l’autre sur l’unité incroyable que l’empire romain avait tissée dans l’Orient compliqué ; l’un sur toutes les variétés de croyants qu’il rencontrait, pharisiens, saducéens, esséniens, hellénistes, samaritains, et ceux qui suivaient le rabbi machin, et ceux qui ne juraient que par le thaumaturge untel ; l’autre sur le gouffre entre des temples où se pratiquaient des rites surannés plus proches de la magie, la populace qui s’accrochait à toutes sortes de nouvelles superstitions jaillies d’ Egypte ou d’ailleurs, et des intellectuels qui philosophaient sous les portiques ou du haut de ziggourats. Et Lazare se sentait comme un ambassadeur pour révéler le monde à ce petit juif de Nazareth. Il se souvenait de la seule fois où il était allé jusqu’à Ctésiphon et la peine qu’il avait eu, à son retour, à affronter un déluge de questions sur les mages d’aujourd’hui, sur ce Zoroastre enfoui dans arcanes du passé, cette religion du feu généreuse, avide de pureté. Comment définissaient-ils Ahura Mazda, le Dieu suprême ? Et Ahriman, le prince du mal, fut-il créé ou était-il incréé ? Et comment le Bien triomphait-il du Mal alors qu’ils étaient intimement liés ? Et pourquoi les hommes devaient-ils être guidés par Ahura Mazda dans cette lutte ? Autre déferlante de questions à un retour d’Alexandrie : ces contes sur les magiciens de la cour de Pharaon qui guérissaient les malades, faisaient marcher les estropiés, ce dieu Osiris mis à mort par trahison et recomposé, ces héros qui naviguaient entre vie et mort pour préparer l’éternité paisible des ensevelis. Plus de pharaons, un préfet qui faisait semblant d’être délégué de celui qui désormais résidait à Rome, et les magiciens voyaient leur baguette en berne; on ne jurait plus que par Sérapis issu d’un jeu de mot, triste origine pour un Dieu; les grands dieux de l’Egypte antique étaient à l’agonie; fragmentation, dispersion, décadence superbe depuis des millénaires.
Le pauvre Lazare avait bien du mal à répondre à toutes ces questions théologiques et morales. Drôle de cousin, qui après avoir appris et pratiqué son métier de charpentier dans l’atelier de son père, était parti pérégriner comme un vagabond pour enseigner, guérir, parler d’un monde nouveau. Mais rien d’un halluciné comme Simon le magicien, nulle trace d’un prophète exalté à l’image de cette autre cousin Jean le baptiseur, pas de recettes de pieuserie comme tous ces miséreux échappés de yeshivas. Un type envoutant, qui de son regard impérieux savait se faire écouter de tous, et de Lazare en particulier. Ni beau, ni moche, car on oubliait son visage en l’écoutant, et l’on ne pensait plus à cette silhouette sortie d’un petit coin perdu de Gallilée mais au seul miracle de l’alliance de mots surprenants et d’une voix convaincante. Il s’était senti comme le poisson pilote de ce nazaréen, chargé de lui rapporter les croyances des peuples, extérieurs à la Palestine, et maintenant qu’allait-il lui demander ? Pas d’engranger de nouveaux profits ? Pas d’engendrer une famille ? Il devait le rappeler pour une mission extraordinaire, inconnue à ce jour. Il allait revenir au monde. A la fois craintif, interrogatif, dubitatif, pensif. Pourquoi lui qui n’était pas le plus fidèle des disciples. Il allait accepter sans comprendre ce qui allait devoir faire, en supposant qu’il était utile. Pas volontaire, mais ayant choisi quand même.
2. Le premier jour après
Blanc comme un linge plongé dans l’eau savonneuse, durement essoré puis étalé aux rayons du soleil pour lui donner son ton paisible. Il était sorti du tombeau l’autre jour, surpris de retrouver la lumière du soleil, aussitôt oublieux des quelques heures passées outre-tombe, mais ayant gardé dans sa peau, incrustée dedans, l’absence de couleur du linge immaculé dont l’avait enveloppé ses sœurs. Un teint cireux comme nettoyé par des lessives promotionnelles qui lavent plus blanc que tout. Le regard délavé, la pupille bleue avait viré à un beige taupe, reflet d’un enfouissement bref, certain, et pour une fois éluctable. Le cheveu jadis noir de jais était devenu gris, non par un mélange de poils blancs et noirs, mais d’une authentique couleur cendrée, celle des offrandes brûlées sur les autels païens. Un rictus léger qui froisse les commissures des lèvres, creuse, à peine, des fossettes sur ses joues, mais sans les plissements de la joie de rire, avec juste un air … comment dire … narquois ? dubitatif ? Le sourcil se soulève dans une interrogation qui reste et restera sans réponse. Et il avait beau se pincer férocement le gras de l’intérieur des bras, la petite blessure rougissait à peine. On aurait dit que le sang manquait d’hémoglobine, rosissait sans conviction le derme maltraité. Son corps garderait-il l’empreinte d’un voyage oublié par son esprit. Un corps aérien, au bord de l’existence, à l’ombre trop légère.
Il ne comprenait pas pourquoi le Christ l’avait ressuscité. Un ami de toujours que ses sœurs avaient accueilli avec joie chaque fois qu’il allait à Jérusalem et s’arrêtait en passant à Béthanie. Un ami du même âge avec qui il avait longtemps partagé, la joie de promenades autour de Jérusalem avec ses chiens favoris, des molosses bien adoucis depuis les temps où ils chassaient encore le lion. Leur maison, au centre du village, dominant le pays ouvert vers Jéricho, était vaste, élevée d’un seul étage pour les quelques chambres sous la terrasse, badigeonnée de chaux, avec son caravansérail qui accueillait les marchands venus y chercher l’huile d’olive produite par la famille. Une huile renommée. Faite à partir des olives poussées sur des arbres matures et vigoureux, protégés des vents par les collines environnantes, exposés au soleil levant mais protégés des ardeurs féroces du soleil de l’après-midi. Produite depuis des générations avec des méthodes éprouvées dans des moulins aux bois imbibés.
Lèves-toi et marche lui avait-il intimé. Allongé dans son cercueil, il avait eu un mal fou à déjà s’asseoir dans sa boite en bois de cèdre ; il devait lui rester quand-même des abdominaux tout à fait respectables, au bout de cette journée outre-tombe. Plus difficile encore avait été de se mettre debout, encore tout emmailloté de bandelettes imbibés d’huile et de parfums, et sous la contrainte quasi hypnotique de la parole du Messie d’enjamber les parois de son cercueil et de faire quelques pas vers son ressusciteur. Mais la foule en délire entourait Jésus, hurlait son admiration et sa dévotion ; et déjà Il s’éloignait sur la route poudreuse en direction de Jérusalem et de son destin ; d’un geste familier de la main il lui faisait comme un au revoir, mais sans une autre parole que son ordre de sortir du tombeau. Il s’était redressé, contraint, forcé, obligé par la volonté émanant du Seigneur ; mais maintenant, pour marcher où ? aller vers quoi ?
S’il était vivant, les gens de Béthanie n’en étaient pas persuadés. Alors qu’il était mort, tous étaient venus lui rendre un dernier hommage, rassemblés autour de son cercueil dans la grande salle. Maintenant debout et marchant, tous s’écartaient de lui comme d’une sorte de monstruosité. Il avait toujours manifesté la plus grande tendresse pour Jésus. Il ne l’avait pas suivi dans ses prédications, car il devait faire tourner son moulin à huile, et se soucier de l’avenir de ses sœurs. Pourquoi, grand Dieu, s’était-il livré sur lui à cette espèce de manipulation. Il paraît d’ailleurs que je ne suis pas le seul. Un de ses disciples m’a raconté, gêné de me dépouiller de mon exclusivité, qu’il avait déjà fait ressortir du tombeau un jeune homme de Naïn. Un Dieu sentimental au point de céder aux larmes, là d’une veuve qui perd son enfant, ici de deux sœurs qui s’affligent de la disparition de leur frère, chef de famille. Un dieu ? C’est ce que disaient des disciples, qui pour ne pas renier la foi de leurs ancêtres le présentaient comme le Fils de Dieu. (Vieille lune des religions polythéistes.). Il tenta de reprendre ses productions d’huile d’olive, mais constata avec tristesse que c’était impossible : personne ne voulait travailler pour lui, personne ne voulait de ses produits, même quand ils dataient d’avant sa mort.
Il ne pouvait continuer de vivre au milieu de ces gens qui l’évitaient, le regardaient de travers, un étranger revenu d’on ne sait où, une anomalie. Il décida de partir, de partir loin. Il lui fallait, bien entendu emmener ses sœurs. Elles avaient suivi le destin étrange de son ancien ami Jésus. Sa prédication à Jérusalem, son arrestation, sa passion et surtout sa résurrection puis son assomption. Elles passaient leur temps à Jérusalem, ne perdant pas une miette de ce qui arrivait à leur bien-aimé. Chaque soir, elles revenaient à Béthanie et racontaient, enfiévrées, les nouvelles de la journée, les dires des disciples, les récits des Douze. Le soir dans le patio de leur maison, au son frais de la fontaine qui coulait dans la vasque, dans l’ombre des murs, il écoutait d’un air distrait.
Un ami, Jean, à peine sorti de l’adolescence, avait dit à Marie-Madeleine que Jésus était le chemin. Drôle d’idée pensait Lazare : certes Jésus était un rabbi, inspiré, charismatique, une sorte de prophète, mais en plus moderne, moins verbeux, pas à pousser des hauts cris devant le temple. Il avait fait dire à ses sœurs de se tenir prêtes, que le temps de l’avènement allait survenir avant même le début de l’été. Lazare, encore tout chamboulé de son nouvel état, encore effrayé des regards soupçonneux de ses voisins, vivait cloitré. Agrément de l’ombre, transition depuis le tombeau, convalescence de sa stupeur. Ses sœurs, par contre, naviguaient en permanence entre Béthanie et Jérusalem. Elles fréquentaient le cercle des disciples de Jésus, de Jean si beau, si jeune, dont elles étaient folles, de Pierre un peu rustique à leur goût, et de Jacques si pesant, un vrai bourrin. Elles lui rapportaient ses paroles, ses paraboles, son itinéraire. Elles attendaient son arrivée imminente à Jérusalem. La fièvre montait tout autour de lui.
Et puis un jour, Jésus était mort. Vendredi. Au milieu de l’après-midi, Lazare avait vu l’obscurité s’abattre sur la terre. Il avait entendu les hurlements d’horreur de la foule joyeusement assemblée pour se repaitre de la mort de condamnés, grand spectacle toujours organisé avec grand soin par les romains; mais cette fois, les professionnels n‘avaient plus rien maîtrisé et l’on avait déploré des scènes de panique, des gens écrasés, des honnêtes craignant Dieu honteusement pillés par des voyous dans la pagaïe ambiante. Ses sœurs étaient venues lui raconter que Jésus avait été crucifié, après un jugement inique, qu’elles avaient recueilli le corps et avaient aidé Marie, sa mère, Jean, son ami, et Simon une connaissance de passage, à recueillir et embaumer le corps du supplicié et à le déposer provisoirement dans une sépulture prêtée par Joseph, un bourgeois d’Arimathie, qu’il connaissait de vue. En dehors des prodiges qu’il avait pu constater lui-même le vendredi, le plus étonnant fut ce que ces sœurs lui relatèrent : la disparition du corps de Jésus du tombeau et son apparition aux deux sœurs. Après quelques petits essais sur lui-même, Lazare, en particulier ne voilà-t-il pas qu’il rééditait ce miracle invraisemblable qui terrassait la mort.
3. Partir
Terre de mission avaient dit ses soeurs exaltées. Dans son indifférence glacée vis à vis de toutes sortes de vocation messianique, il avait tenté de les raisonner.
- Marthe, toi qui es si raisonnable, toujours préoccupée que tout fonctionne bien, que t’arrives-t-il ? Tu veux partir sur les routes ; tu as vu pourtant ceux qui suivaient Jésus ; des traîne-savates, souvent sales, négligés ; ça te plairait de leur ressembler ?
- Lazare, tu es sourd, aveugle ?
- Peut-être …
- Tu n’as rien entendu de que nous a dit le Seigneur ? C’est que tu n’as pas vu, ce que moi j’ai vu … lui sur la croix ... emmené au tombeau … puis rien dans ce tombeau sinon des linges soigneusement pliés … Tu n’as pas vu, mais je t’ai tout raconté, jour après jour ; ce n’est plus un miracle, c’est Dieu parmi nous.
- Et toi Marie-Madeleine ? Toi qui aimes tant réfléchir, soupeser, analyser, tu ne vas pas me dire que ces débordements de foi te fascinent ?
- Mon pauvre Lazare, depuis que tu es mort tu as perdu tout sentiment. Moi j’aime. J’aime Jésus, la personne, ce qu’il a dit, ce qu’ont rapporté ses disciples, son histoire si tragique et cette apothéose. TU ne comprends rien.
- Peut-être. Mes chères sœurs, je sens que j’ai perdu beaucoup de facultés : ce que je vois, je ne suis plus très sur que ça existe ; vos beaux visages, vos douces paroles, je ne sais jamais si ce n’est pas un songe.
Il faut vendre, il faut partir. Je ne peux plus supporter de rester comme un fantôme à Béthanie. L’affaire marchait bien, je suis sûr que nous pouvons en tirer un bon prix.
Oui, oui, vendons, nous voulons partir pour porter la parole du Christ. Décidément, Lazare les trouvait un peu exaltées.
Partir dans un autre village, ou cité de Juda. La rumeur aurai tôt fait de la rattraper, et de nouveaux voisins de le regarde de travers. Et puis la place était prise, question mission : des disciples très proches du Christ avaient commencé de labourer. Ces sœurs n’apporteraient rien. Il fallait aller plus loin. Alexandrie était très tentante : la communauté des juifs y était à la fois très accueillante et déjà soucieuse d’accueillir des étrangers ; ils seraient des anonymes et auraient toute latitude pour prêcher. Mais c’était l’Egypte, cette terre où jadis nous avions échappé à la férule de pharaon
Antioche ?
Rome ?
Il était allé se saouler dans un bar de Jérusalem tenu par un de ses cousins. On y servait des bières, de l’hydromel et surtout d’excellents vins. Il choisit de commencer par un vin de Capharnaüm, conservé dans une petite amphore scellée depuis 5 ans lui garantit le patron. Un délice d’évocation : la douceur de la lumière ombrée, la petite pointe salée de la mer de Gallilée, la brise dans les branches des sassafras ; un coktail enivrant. Pourquoi partir ailleurs que dans ses souvenirs. Se réfugier dans les voyages qu’il avait faits au pays de Jésus. Retrouver dans ces paysages, dans les paysans et les marchands qu’il avait rencontrés, la saveur roborative d’une vie active, plaisante, voire heureuse à certains moments. Et sa langue humectait son palais de la boisson parfumée et un peu acide, puis l’envoyait dans sa gorge dans un éclatement de saveurs. Un peu de sucre le renvoyait aux dattes qui tombaient des palmiers voisins, une ombre de goût d’argile lui parlait des potiers innombrables qui façonnaient les jarres, un soupçon de parfum de figue évoquait tous ces arbres tordus, opulents, qui habitaient les cours et les jardins, et quand même la sensation imperceptible de la graisse de l’olive qui venait charmer ses papilles. Tout le pays autour de Tibériade, la ville étincelante à peine sortie de terre, insulte aux juifs des alentours avec son temple érigé en l’honneur de dieux absurdes, sa basilique ou régnait la justice proclamée au nom de l’empereur, hommage servile de la race d’Hérode. Oui c’était ce pays de mélanges qui un jour exploseraient à la figure de tous : parcouru par les sicaires exaltés, les pharisiens sinistres, les saducéens grassouillets, les esséniens ascètes, les samaritains impies, les ismaéliens chapardeurs, les romains arrogants, les grecs mercenaires, les phéniciens voleurs, les philistins ripailleurs, les akkadiens magiques, les égyptiens antiques, et les damascènes qui haïssaient les alépins, et les transjordaniens qui méprisaient les cisjordaniens, et les nabatéens qui pillaient les autres.
Alors, réclamaient ses sœurs, où en es-tu dans tes réflexions ?
- Nulle part, le vin ne me grise plus. J’en ai bu une quantité incroyable et au lieu de me faire rêver pour trouver une destination, il ne m’a rempli que d’une vision confuse de l’avenir.
Horrifiées par ces paroles, elles lui indiquèrent qu’il n’y avait besoin ni de réfléchir, ni de rêver, mais de prendre une décision pour quitter la terre de Palestine !
- Vous, quitter la Palestine, alors que vous ne vous êtes jamais éloignées de Jérusalem, que vous n’avez jamais traversé le Jourdain, que vous n’avez jamais vu la mer Méditerranée ; quel est ce délire ?
Ulcérées, elles s’écrièrent qu’elles voulaient partir pour porter la bonne parole aux gentils au-delà des mers et des fleuves. Elles avaient compris ce message de Jésus, et Jean son meilleur ami le leur avait confirmé ; et d’autres qu’elles connaissaient moins, mais qui avaient accompagné le Seigneur Jésus, comme Pierre ou Thomas, leur avaient dit que tous avaient une mission, et elles aussi. Alors trêves de balivernes, de fausses bonnes raisons, d’excuses à la noix, il se devait de les accompagner. Elles ne savaient où, lais loin. Elles avaient besoin de lui pour les aider, et d’ailleurs s’il était encore en vie, c’était pour l’unique raison qu’il devait être leur accompagnateur. Royales, elles consentaient à lui laisser le choix de la destination, mais qu’il se décide vite.
4. Le premier jour en Provence
La barque accosta sur une plage de sable et de galets gris bordant une lagune hérissée de roseaux et vibrionnante de moustiques (un sourd grondement à l’horizon bas). Le capitaine du navire qui les avait amenés quasi d’une traite depuis Césarée, leur avait indiqué qu’il devait continuer son voyage vers Narbonne et ne voulait pas perdre de temps en remontant le fleuve jusqu’à Arles ; il préférait les débarquer dans une sorte d’avant-port au débouché du Rhône baptisé Ostie Métapine. Lazare au pied léger, sauta à terre. Il avait gardé une apesanteur, une légèreté qui faisait que les traces qu’il laissait sur le sol étaient à peine marquées : fantôme, ectoplasme ? Ses deux sœurs, plus denses, crièrent pour qu’il les aide à descendre. Maigre, noueux, malgré son évanescence, il était d’une vigueur remarquable, très résistant à la fatigue : il souleva, tour à tour, Marthe et Marie-Madeleine et les déposa comme une offrande sur la terre de Provence; suivirent, chargés de ballots, Maximin, Sarah, Trophime et autres qui les avaient accompagnés. Le Mistral claquait. L’eau glaciale de la mer friselait, sans aucune écume. Sitôt ses passagers débarqués avec leurs quelques bagages de route, le matelot repartit à force rame vers le navire en mouillage forain qui remonta ses voiles et cingla vite au-dessus de la mer glaireuse.
Sur la plage quelques autres voyageurs attendaient déjà autour de braseros qui les protégeaient des piqures d’insectes enragés. La conversation s’engagea tant bien que mal, dans un jargon de grec et de latin, entre eux et les derniers arrivés. On leur avait dit que des guides allaient venir pour les amener à la cité d’Arles, située à une très longue journée de marche ; un périple fastidieux, mais sans difficultés particulières si l’on ne s’égarait pas dans les marais et qu’on s’enveloppait bien dans châles et burnous. Il fallait simplement suivre le fleuve disait l’un ; oui, mais il faut traverser certaines branches du Rhône et connaitre les gués, voire disposer d’une navette, disait l’autre ; j’espère que les guides ne sont pas des brigands geignait un troisième, on m’a bien dit que le tarif était à la tête du client ; Lazare et ses sœurs, écoutaient sans rien dire. Lazare était devenu taiseux. Marie-Madeleine était, comme d’habitude, dans ses pensées ; Marthe n’écoutait pas, cherchant de ses yeux aux alentours, d’où pourraient venir les guides.
Mais ne valait-il pas mieux suivre le canal de Marius vers le golfe de Fos, pour atteindre plus rapidement Marseille. Marie-Madeleine penchait pour rejoindre au plus vite cette cité fameuse, populeuse, où elle trouverait plein de monde à qui transmettre la bonne nouvelle ; par esprit de contradiction Marthe penchait pour Arles, plus proche, où ils pourraient aviser ce qui serait préférable pour leurs affaires et leur mission. Lazare avait les oreilles bourdonnantes. Son esprit vagabondait entre les préoccupations du voyage, ses regrets de sa patrie quittée avec tristesse, son incompréhension de son état, sa volonté d’exaucer les souhaits de ses sœurs. Après le passage de Jésus, il avait dû sacrifier l’entreprise familiale. Plus personne, ne voulait avoir affaire avec une sorte de mort-vivant. Il avait réussi à vendre les entrepôts, les ateliers, les oliveraies, sans trop de mal, avant que son histoire ne s’ épande comme une traînée d’huile. Il avait toujours su agir vite. Et puis, il avait rencontré dans un caravansérail de Césarée, ce natif de Narbonne qui lui avait parlé de ces fabrications qui se faisaient en Gaule d’un produit qui aidait à se laver, le savon. Un nouveau produit. De nouveaux marchés. L’imagination commerçante de Lazare s’enflamma un peu. Il se dit qu’au moins avec cette idée, il arriverait peut-être à justifier la difficulté qu’il avait à poser un pied devant l’autre. Il partirait pour des terres où l’on ignorerait tout de sa destinée étrange. Se sœurs auraient le champ libre pour convertir tous les gens qu’elles rencontreraient. Des terres nouvelles qui n’avaient pas tenté les disciples engagés dans leur mission de conversion. Comme d’habitude, un défricheur de marchés nouveaux; mais cette fois-ci avec une ambition démesurée de ses soeurs; l’homme d’affaires, le marchand, se doublait maintenant d’un rôle de guide, pas spirituel, mais logistique.
Pendant le voyage, allongé à l’avant sur le pont, il avait eu son temps, entre deux météorites nocturnes, et le soleil ombré des jours, de ressasser les évènements étranges survenus à Jérusalem. Il ne pouvait douter de la réalité de ce que lui avait raconté ses sœurs : cette résurrection du Christ trois jours après sa mort ; pourquoi n’aurait-il pas fait pour lui-même ce qu’il avait fait pour Lazare ? Rien ne vaut une bonne nuit claire, avec des étoiles pleins les mirettes pour se poser des questions sur sa dimension, sa mission. Il partait vers un avenir qui lui avait été brossé par ses soeurs comme nécessaire, inéluctable, sauveur. Mais comment pourrait-il oublier ce passé étrange, cette fausse mort, cette approche vers l’éternité brutalement interrompue. Il avait côtoyé le divin, ou au moins ce qui pouvait en tenir lieu ; il n’avait pas eu le temps d’y goutter ; il avait été renvoyé sur terre pour de nouveau expier la faute d’Adam : travailler pour accomplir sa destinée ; le problème est que tout cela ressemblait à un bégaiement du destin, un hoquet de la fatalité. De considérer que sa première vie avait été un brouillon qu’un créateur insatisfait avait jeté à la corbeille ; que son existence raturée, biffée devait repartir derechef. Il en eut des larmes de rage envers ce Dieu prompt à la farce. Bien entendu : un Dieu d’humour, qui avait laissé bride sur le cou pour créer le mal, qui avait oublié d’arrêter Eve dans sa quête de la connaissance, qui avait encouragé les hommes à construire cette tour de Babel révélatrice de leurs dissentiments, et qui maintenant voulait faire croire qu’il allait sauver cette engeance humaine qu’il avait tant de fois moquée, maltraitée, humiliée ! Quoi … allait-il la délivrer du mal qu’il avait laissé inventer ? Lui supprimer cette connaissance à laquelle il avait pris goût ? Et surtout l’empêcher de se disperser en querelles fratricides ? Jamais … ce n’était qu’une plaisanterie de plus imaginée par un Dieu joueur, toujours taraudé par l’imagination. Il avait beau insulter le créateur, le maître de l‘univers, lui revenait sempiternellement le souvenir radieux de Jésus. Ce mandataire aurait-il outrepassé les ordres de son père pour tenter de montrer une voie étroite entre le mal connu, mais non accepté, la connaissance impérieuse tout en restant porteuse d’espérance et un amour qui puisse vaincre toutes les haines.
Lazare s’est accroché à ses sœurs emportées par l’amour du Christ et les a suivies dans leur voyage de mission. Il vendit l’entreprise familiale et plaça les fonds chez des banquiers de confiance (oxymore ? Mais il ne pouvait guère faire autrement pour financer son voyage).
Lazare est imputrescible, de fait presqu’immortel. Tous les processus vitaux se sont arrêtés lorsqu’il est mort, ils ont recommencés à fonctionner une fois rescucité, mais sur un mode mineur, comme si la vie peinait à recommencer, comme si l’élan vital était faible, parcimonieux, une deuxième vie au rabais. Il avait comme l’impression d’affronter une éternité de survie à feux doux. Lazare veut créer une savonnerie à Marseille. Cendres plus huiles d’olive. Le savon sera un peu mou. Mais il ne trouvera pas de natron, comme il était utilisé au moyen-Orient, en Egypte ou Chaldée. Une occupation pour lui, un financement pour ses soeurs et leurs douces lubies.
Et le pont s’inclinait au gré des vagues, sous l’écharpe de la voie lactée. Et il se sentait heureux malgré son manque de substance. Et le vent libyque lui apportait de chaudes bouffées emmiéllées des fruits de loto. Il se dissolvait dans ses douces rêveries.
5. Les missions
La fratrie poursuivit son chemin vers Arles, parfois sur des digues qui surplombaient le fleuve bondissant ou un de ses bras moins dynamique, parfois dans des chemins creux entre des haies de roseaux qui laissaient une large échancrure de ciel bleu sombre au-dessus de leur tête, parfois encore au milieu de prairies spongieuses où paissaient au loin des troupeaux indistincts de ruminants; ils entrèrent dans la ville brutalement; l’instant d’avant ils étaient encore dans la campagne plate, hérissée d’arbres, roseaux, ajoncs; l’instant d’après ils étaient entre des maisons basses, au murs quasi-aveugles percés de quelques portes, côtoyant les habitants qui vaquaient à leurs affaires.
A peine se furent-ils installés dans une petite auberge près des thermes (discrète et propre comme le lui avait indiqué un négociant grand voyageur sur le bateau), que Lazare prit ses renseignements pour savoir où il pourrait trouver Moshe Ben Nathan, le banquier qui lui avait été recommandé à Césarée. Dès le lendemain, alors que les rues s’animaient à peine, il se rendit chez lui et lui présenta le reçu des sommes qu’il avait déposées chez son collègue de Césarée. Moshe prit son temps pour examiner le document, le comparer avec d’autres qui émanaient du même correspondant, enfin faire son boulot de vérificateur. Au bout d’une demi-heure, rasséréné par ses contrôles, il se dérida, fit amener des boissons et quelques petits beignets à la mode syrienne. La conversation tourna non seulement sur les conditions dans lesquelles il pouvait mettre à disposition les sommes nécessaires aux futurs besoins de Lazare et de ses sœurs, mais surtout aux possibilités de réaliser ses projets. L’entretien déjà long, reprit dans l’après-midi avec quelques marchands d’Arles pour répertorier les conditions de faisabilité, les pratiques locales, enfin tout ce qu’il était nécessaire de vérifier en première approche.
Lazare retrouvait les pensées et les gestes de son père et de son grand-père. Comme un apprenti lâché par ses maîtres, il prenait plaisir à inventer, imaginer, créer, à l’échelle de ses moyens, une petite entreprise qui mobiliserait des gens de bonne volonté, des fonds accumulés par des mains qui avaient thésaurisé, des énergies laissées jusque là inoccupées. Différence avec ses ancêtres : là où avaient motivé l’idée du gain pour soi et pour sa famille, maintenant n’existait que le souci de procurer les moyens nécessaires aux oeuvres de ses deux soeurs. Quant à lui, cierge rallumé, il n’avait besoin de rien, ne voulait rien pour lui, n’espérait rien d’autre que la satisfaction de donner les moyens des missions de Marthe et de Marie-Madeleine. Sa voix était restée forte, mais avec un timbre un peu abaissé, profond, caverneux, qui sonnait comme les cloches toutes proches du temple de Jupiter. Une voix d’outre-tombe, ricana-t-il silencieusement.
- Marthe, rejoins Tarascon, près de la Montagnette ; tu achèteras et feras fructifier une plantation d’olivier. Tu récolteras tous ans les olives vertes et rebondies. Tu les écraseras dans un moulin que tu construiras sur un bras de dérivation le long du Rhône et pour lequel je te fournirai les plans. Et tu me livreras tous les ans une quantité définie d’huile. Le surplus tu le vendras à des négociants d’Arles qui pourront l’envoyer par toutes les contrées de Gaule et d’ailleurs et tu en garderas le revenu pour tes besoins et toutes les œuvres que tu as en tête.
- Marie-Madeleine, rejoins le massif de Baume près d’Aix ; tu achèteras une hêtraie sur les flancs des collines et l’entretiendras avec soin. Chaque année tu feras une coupe des arbres matures, tu replanteras de jeunes pousses d’hêtres sur les parcelles non plantées ; et du bois de tes coupes tu feras deux lots ; le premier tu le transformeras en cendres dont tu me livreras tous les mois une quantité définie. Le surplus de tes coupes tu les vendras à des négociants d’Aix pour qu’ils approvisionnent menuisiers et charpentiers et tu en garderas le revenu pour tes besoins et toutes les œuvres que tu as en tête.
- Quant à moi, je m’installerai près de Marseille. Là Marthe me fera parvenir l’huile d’olive et Marie-Madeleine les cendres de bois de hêtre. J’en ferai les matières premières d’une entreprise de fabrication de savon que je construirai sur la rive sud de la rade de la ville. La population y est industrieuse et je trouverai la main d’œuvre nécessaire pour installer la fabrique et assurer la production. Et dans cette capitale du commerce je n’aurai, je l’espère, pas de problème pour commercialiser mes savons et pouvoir couvrir tous mes frais.
Marthe poursuivit vers Tarascon avec un des serviteurs, Gabriel. Lazare et Marie-Madeleine après l’avoir saluée avec émotion, continuèrent en direction d’Aix avec le reste de la troupe. Un peu avant d’y arriver, c’est au tour de Marie-Madeleine de quitter la petite troupe et de partir vers le massif de Baume accompagnée du seul Maximin. Lazare et les cinq autres serviteurs prirent la route de Marseille. Sarah, quant à elle, après s’être disputée avec Marthe (ce qui était l’usage) pour décider des mille et une choses nécessaires pour son installation , après avoir signifié qu’il n’était pas question qu’elle accompagnât Marie Madeleine qu’elle prenait pour une rêveuse, elle décida pour l’instant de rester dans la ville d’Arles. Elle ferait la liaison entre tous.