Du temps du général de Gaulle, il existait une règle non écrite qui voulait que le président et les ministres du gouvernement de la France n’aillent à l’étranger que dans le cadre de leurs fonctions. Depuis, certes, les règles se sont bien assouplies ; Giscard d’Estaing est parti à la chasse en Centrafrique chez son ami Bokassa; Mitterrand aimait à se reposer à Assouan chez son ami Moubarak ; Chirac adorait séjourner au Maroc chez son ami Hassan II ; quand à Sarkozy il ne sait plus où donner de la tête entre ses amis Mohammed VI, Moubarak, Bush. Des petits voyages qui favorisaient l’amitié, peut-on imaginer, voire des périples initiatiques pour mieux comprendre les âmes torturées de ces sympathiques dirigeants.
Lestée de ces exemples, la bonne Alliot-Marie ne comprend même pas quelle indécence il peut y avoir pour un ministre des affaires étrangères de la France à passer des vacances dans un pays gouverné par un accueillant dictateur. Comment ne peut-elle pas imaginer que la compromission commence avec sa seule présence ; et que les petits accommodements qui suivent ne font qu’aggraver un cas déjà trop lourd ; et qu’un dérapage verbal en pleine Assemblée Nationale ne devient plus que la simple habitude de traiter avec amitié un régime avec lequel elle ne devrait avoir que des relations de diplomate.
Le laisser aller dans les comportements a fini par retentir sur notre action politique. C’est affligeant, c’est mérité. L’inaudibilité de la voix de la France vient en partie de ce méli-mélo entre vie privée et vie publique, de cette naïveté à croire que des rapports amicaux peuvent s’instaurer entre chefs d’état, voire entre responsables ministériels, de cette profonde propension à mélanger sentiments, plaisirs et gestion de l’état.