Interrogé par un journaliste de la télévision, Axel Kahn a laissé tomber de ses lèvres dédaigneuses un jugement sans appel sur la nocivité de la notation dans les écoles primaires. Il semble qu’il soit un des signataires d’un appel qui milite pour cette suppression. A la base revient l’idée qui parcourt toute notre monde occidental, et plus particulièrement la France : il ne faut pas stigmatiser ; générosité qui aboutit de fait à la proposition « il ne faut pas juger » ; instauration d’un relativisme qui veut nous faire croire que les bons et les mauvais se valent presque, que la différence doit être camouflée ; la logique de ce raisonnement aboutit aux propos d’un Patrick Gontier , secrétaire général de l’UNSA Education : « L’école reste profondément élitiste, vouée au classement et à la sélection des meilleurs ». Le propos est touchant de naïveté, son locuteur n’imaginant même pas que l’on puisse trouver intéressant que la formation et la progression d’une élite puisse être un objectif ; dans sa rage d’égalitarisme, il assume sans complexe une universelle médiocrité ; l’insulte à l’intelligence devient un acquis. Pire encore dans le cheminement intellectuel, tombe alors, toujours sur ce même sujet la phrase de Philippe Merieu : «L’éducation en France a toujours insisté sur le développement de la raison –donc la mise sous le boisseau de la subjectivité- en visant une sorte d’idéal unique de culture. » ; phrase qui dans son contexte n’est pas une simple constatation d’un état de fait mais une attaque contre la logique, une apologie de l’irrationnel. La boucle est bouclée, il ne suffit plus de demander l’effacement d’un classement entre les mauvais, les moyens et les bons sur les vieux sujets du calcul, de l’orthographe, de la rédaction, il faut faire mieux en introduisant dans cet espace la subjectivité afin de définitivement brouiller les pistes entre ceux qui raisonnent et apprennent et ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas. Au passage il serait amusant de savoir ce qu’est cette subjectivité : une once de magie, une pelletée d’impulsivité, un tombereau d’informel.
Et tout ce chambardement (dénigrement des élites, abaissement de la raison) pour un objectif « introduire le bonheur dans les écoles françaises ». Mais comme nous le dirait Philippe Murray : de quel droit veulent-ils imposer le bonheur à nos bambins ? qui les mandate pour nous fourguer cette promesse de vie paisible et moutonnière dans les classes ? A bas ce bonheur désincarné, sans chair, sans nerf, sans lutte, sans effort.