Elle parle anglais ! Quoi de plus incroyable, de plus admirable, de plus confondant, de plus insoupçonnable de la part d’un ministre de la République. Elle est idolâtrée par les Barrot, Barnier, Sarkozy, et tant d’autres ignorants pour savoir débiter avec aisance, dans les langues de Shakespeare et de Steinbeck, toutes les âneries qu’ils sont obligés de faire traduire. Les mêmes qui s’indignent de ce que nos gamins sont exécrables dans leur apprentissage des langues étrangères, pérorent dans un pidgin souffreteux dans les enceintes internationales. Les mêmes qui veulent imposer à nos bambins de s’habituer aux parlers du monde dès leur plus tendre enfance, traînent leur inculture avec désinvolture parmi les grands de la mondialisation. Heureusement, ils ont Christine Lagarde qui est capable de téléphoner en anglais directement à n’importe quelle sommité de la Terre.
Une fois l’admiration devant ce talent incontestable, exprimé et réitéré, il faut se rendre à l’évidence, nous sommes arrivés au bout du rouleau. L’élégante dégingandée a de la classe, de l’allure, de l’amabilité, toutes qualités remarquables chez le péquin moyen mais qui ne sont que petits amuse-gueules pour la grande prêtresse des finances de la France. Sa grande spécialité est de commenter avec satisfaction la statistique qui prouve la pertinence de son action (enfin, de celle des conseillers de l’Elysée qui la tutorent) : tout l’art est de choisir la série qui prouve la diminution de l’aggravation, le renversement de tendance, le changement de pente, la transformation de telle exponentielle en courbe moins inquiétante et d’attirer l’attention sur la pertinence des mesures prises par le gouvernement pour aboutir à un si heureux résultat.
Mais quand aux idées sur la politique économique, nul ne l’a jamais entendu en proférer une. A croire qu’elle ne sait pas exactement de quelle matière il peut s’agir. L’industrie est un gros mot qui pourrait fâcher les sensibilités vertes. L’emploi une inconnue dont il suffit de dire qu’il est une priorité. L’euro une religion, contre laquelle toute attaque est un sacrilège, un crime de lèse Europe. Les impôts une salade qu’il suffit d’assaisonner des expressions de décentralisation, d’outil de justesse sociale. Le monde financier, une caverne de brigands, qu’il faut protéger néanmoins des excès des altermondialistes.
Ah pourquoi est-elle sortie de sa piscine ? Pourquoi n’agite-t-elle plus ses jambes effilées au galbe superbe ? Qu’est-elle venue faire dans ce marigot où elle nage si mal ? Quel triste spectacle de voir cette pauvre petite poule d'eau plonger désespérément dans le grand bain de Bercy pour tenter d'y trouver quelques miettes de réforme.
P.S. J'avais publié ce petit portrait le 19/12/2010. Depuis l'histoire s'emballe, et maintenant notre nymphe se propose de remplacer un satyre.