J’ai apprécié Bruno Cremer. Pourquoi d’ailleurs ce passé composé, si lui n’existe plus, j’en conserve toujours un souvenir vivant. Je le connus dans la composition, qu’il finit, je crois, par regretter d’avoir faite, de l’adjudant de la 317ème section. Il la regretta parce que son interprétation fut si forte qu’il eut peur que l’image effaçât l’acteur. Il avait tort, l’acteur fut présent bien d’autres fois, au détour d’un film, sur les scènes des théâtre, toujours pour le plaisir des spectateurs, au moins du mien. Sur la fin de sa carrière, il s’imposa comme un commissaire Maigret tel qu’aurait pu l’imaginer Simenon : une tranquillité de surface, une violence souterraine qui s’imposait par éclats soudains, une présence physique imperturbable. Il était de ces artistes que l’on admire, sans les idolâtrer, que l’on aime sans les vénérer : proche, faisant passer des sentiments avec aisance, n’écrasant pas de son jeu, de sa stature, mais laissant filtrer le nécessaire. Un grand artiste, fort peu récompensé je m’en aperçois de ces hochets (césars, molières et autres bidules) que se donnent mutuellement ses confrères : ne serait-ce pas le signe qu’en plus de son talent, il manquait cruellement de vanité ?