Les interventions des parlementaires n’ont pas brillé par leur force d’analyse. Qui a parlé du contexte tribal, pourtant essentiel dans l’échec des offensives des rebelles de Benghazi sur la Tripolitaine ? Qui a parlé de la césure entre la Lybie égyptienne et la Lybie tunisienne, vieille fracture qui date de l’empire romain ? Qui a parlé des réserves pétrolières, hormis une timide allusion d’un député communiste à des intérêts mercantiles ? Qui a parlé du contrat initial passé entre Khadafi et le peuple lybien : à ma tribu le pouvoir, aux autres la participation à la manne pétrolière ; contrat rompu par l’accaparement des richesses par la clique autour du guide de la Révolution?
Les interventions des parlementaires ont effleuré les motivations de l’engagement de la France dans ce conflit : qui peut croire que les révoltés de Benghazi justifiaient plus d’activisme que les massacrés du Yémen, de Bahrein, de la Syrie ? Les raisons invoquées sont navrantes :
- l’ONU a voté une résolution ! Comportement moutonnier que ne prévoit pas notre constitution : ce n’est pas à New-York que doit se décider une politique étrangère, elle est obligée de s’y conformer, elle n’a certainement pas à y trouver sa source d’inspiration.
- Nous devons protéger les peuples dans le respect de la légalité s’exclame Yves Lachaud ! L’immensité de l’objectif le rend inopérant ; à quoi sert d’afficher une telle ambition qui n’est même pas à la hauteur de la première puissance militaire mondiale.
- Notre premier objectif passe par la chute de Khadafi explique candidement Axel Poniatowski ! Illégalité totale : ce n’est pas prévu par la résolution de l’ONU. Tant qu’à faire dans la déclaration farce, il aurait pu ajouter que l’élimination physique de la famille Khadafi était souhaitable.
Quant à la sortie de ce pétrin, tout le monde est d’accord pour laisser se débrouiller comme ils peuvent les deux ministres concernés, Alain Juppé et Gérard Longuet avec une seule consigne : trouvez une porte de sortie même si elle est un peu étroite. Mais même cet avis n’a été que sous-entendu, murmuré. Et la leçon de l’aventurisme sarkozien n’a pas été tirée : comment la décision a été prise, qui s’est inquiété des moyens à mettre en place, quels scénarios ont été envisagés. A quoi sert un débat parlementaire sinon à mettre en valeur l’insondable médiocrité en matière de politique étrangère des partis représentés à l’Assemblée Nationale.