Des hommes et des dieux : quelle déception ; pire quelle irritation.
Au nom de bons sentiments (la proximité avec les autres, l’aide prodiguée à des populations dans le besoin) qu’il n’est pas question de critiquer, est mis en scène un scénario fait d’arrogance et de complaisance.
Arrogance du chef de la communauté, imbu de son désir de sacrifice, qui, au nom de ses envies propres, manipule ses frères pour leur faire suivre son chemin vers le martyre ; pénétré de son intransigeance il décide seul ,au début , de l’attitude que doit avoir l’ensemble de la communauté vis-à-vis des terroristes ; puis s’apercevant de réticences de certains, il contourne l’obstacle pour leur faire admettre que le débat se résout entre partir ou trahir, et donc enfin emporte l’adhésion des plus opposés à un sacrifice dont ils ne comprennent pas le sens. Il est l’image du théologien intransigeant, enfermé dans une foi qui lui fait mépriser sa vie, vieille image de ceux que l’Eglise a toujours condamné : les adeptes d’un martyre qui est réservé à Jésus, celui-là seul qui avait le droit de donner sa vie au monde. Sourd aux avertissements des autorités (et le film ne cite que celles de l’état, mais on peut imaginer les conseils de son supérieur, de son évêque, des autorités françaises), il s’investit d’une mission unique d’être « lui » le témoin jusqu’à la mort de sa foi.
Complaisance sur leur présence qui ne consiste qu’en du vide (faire du miel, écrire trois papiers). La grande exception, interprétée avec un talent immense, est celle du frère incarné par Michael Lonsdale : en contrepoint, il montre ce qu’est une mission : soigner qui que ce soit, avec les moyens du bord, avec une persévérance sans faille. Les figures des autres frères apparaissent, du coup, pour ce qu’elles sont, des brasseurs de vide. L’un est exemplaire, les autres sont gentils. L’un passe des messages sur le pourquoi de ses choix (avec la jeune fille, par exemple), les autres contemplent.
Sous la houlette du réalisateur passent ces messages qui avilissent une religion : les fois se valent toutes (Coran, Bible, Evangile et tutti quanti), le courage est dans l’intransigeance (ce qui curieusement justifie tout à la fois l’attitude des moines et celle des islamistes), la bonté est l’essence de l’attitude religieuse (dissolution de la foi dans un piétisme angélique). Le réalisateur se vante d’avoir fait un film sur le courage : je l’ai pris comme une histoire du choc de deux sectes, l’une assoiffée de sang, l’autre assoiffée de résignation. Les uns ont peur des incroyants qu’il faut éliminer, les autres ont peur d’un monde dans lequel ils n’ont pas leur place. Je ne peux admettre ce que dit un moment le prieur : « l’échec peut être un chemin vers Dieu ». Le désespoir ne nourrit que des névroses.