La censure est omniprésente, protégée par des lois qui permettent à n'importe quelle association non représentative de vous trainer devant un tribunal, glorifiée par des médias qui au nom d'un humanisme que personne ne définit interdisent d'aborder un certain nombre de sujets, et surtout mise en oeuvre au travers de tous les moyens d'écoute modernes qui permet de traquer la moindre expression. Elle est devenue tellement intégrée à notre mode d'être que la délation est encouragée : les sociétés vous rédigent des codes de bonne conduite qui la promeuvent, les administrations prévoient récompenses substantielles et anonymat pour la susciter, les journalistes ont même inventé la théorie de la protection des sources pour en faire le pilier de leur métier. L'oxymore le plus évident est qu'au nom de la transparence sur certains on couvre d'un voile épais les pratiques nauséeuses des coquins qui ont escamoté des documents, espionné des conversations, fait fuiter des confidences, volé des photos, pillé des ordinateurs. L'autre incongruité est qu'au nom de grands principes, dont personne ne sait qui y adhère, sont défendus des catégories en piétinant des individus. Rien de neuf sous le soleil : la censure a toujours existé pour anéantir l'individu au nom d'idées; pour lui interdire de penser de façon autonome au profit des raisonnements développés par une oligarchie; elle a toujours été là aussi pour empêcher toute critique contre des institutions : le président, la justice, l'autorité publique. Voyez la levée de boucliers pour un adjectif prononcé par Guaino : est-il si malséant pour un juge qui a signé une tribune contre Sarkozy lorsqu'il était président, qui insulte les capacités d'une vieille dame qui n'en peut plus mais, qui jette aux orties le respect dû à un ancien président même s'il ne l'apprécie pas ? La censure régnait hier sur toutes les ondes : il ne fallait pas dire un mot contre le pouvoir judiciaire, il était séant de gloser sur tous les malheurs qui pourraient être réservés à un présumé innocent. La justice n'est qu'une institution parmi les autres, nécessaire mais trop suffisante. L'indépendance dont elle se targue n'est que la contrepartie de la confiance que veut bien lui donner le peuple. Son indépendance ne doit être mesurée que par rapport au pouvoir exécutif; elle a bien entendu comme toute institution des comptes à rendre à la Nation et à se titre, sans que ses membres soient individuellement insultés, elle doit pouvoir être critiquée.