Incantations hollandaises dans une tribune du Monde. Toujours son même principe « je parle, donc je suis ». Toujours la même attitude du consensus minimum, la motion de synthèse inodore, sans saveur : clarifier les modes de décision, alléger les procédures, avancer plus vite avec les pays qui le veulent (qui serait contre ?) ; mettre fin à l’austérité aveugle, financer de grands projets grâce à de nouveaux instruments financiers (une petite phrase sans conséquence pour son parti socialiste en état d’insubordination, sachant que de toutes façons cette bonne Merkel est contre) ; préserver la liberté de se déplacer, garantir le droit d’asile (dans les principes rien à dire, tout est dans les détails mais c’est trop demander) ; engager la transition énergétique et lutter contre le réchauffement climatique (pour les écolos), sécuriser nos approvisionnements (la solution la plus simple serait de trouver du gaz de schiste, pas très écolo) et maintenir des prix compétitifs (ça c’est beaucoup moins écolo car il faudrait alors accélérer le nucléaire).
L’Europe qu’il veut c’est tout et son contraire, ce qu’il voudrait mais est inaccessible, les poncifs qui ne servent à rien tant qu’ils ne sont pas appuyés par une initiative forte. Une europe à la Hollande où rien ne sert de décider maintenant, de proposer tout de suite quand il est si confortable d’attendre que viennent les bonnes surprises. Il ne sait pas agir, il ne sait que réagir, souvent trop tard, mal à propos, comme en Syrie, en Ukraine, sur les impôts, sur le chômage.
Les absences hollandaises sont instructives : la seule mention de la culture européenne, de cette civilisation qui fait encore l’admiration universelle, c’est l’exception culturelle française (vision franchouillarde et courtelinesque) ; la seule idée de développement futur est une allusion vasouillarde au numérique qui deviendrait un objectif commun (de qui, vers quoi, et les autres domaines innovants à la trappe, et la réindustrialisation oubliée) ; les réussites omises comme Airbus, Erasmus, l’agence spatiale européenne (bizarre de préférer ce qui n’a pas très bien fonctionné comme l’euro, l’espace Schengen) ; quant à la politique étrangère européenne et ses deux bras la diplomatie et l’armée, elle n’a même pas l’honneur d’une mention, sauf à croire que marteler l’Europe c’est la paix va au-delà du propos de comptoir sympathique.
Quelle triste comparaison lorsqu’on lit une tribune sur le même sujet par Guaino avec son souffle, que l’on écoute Wauquiez et ses propositions iconoclastes. Ils osent, ils se trompent parfois surement, mais ils savent qu’on enchante pas la France avec des niaiseries, qu’on ne peut prétendre la diriger en attendant sur le quai, avec sa petite valise de balourdises, en attendant qu’un train passe le prendre un jour.