On nous rebat les oreilles de la présidence normale. Oui elle est normale, mais parce que complètement conforme avec toutes les pratiques anciennes.
La constitution prévoit que le président nomme le premier ministre et que celui-ci présente au président pour approbation la liste de son gouvernement. La constitution ne fut jusqu'à présent appliquée qu'en temps de cohabitation. L'usage de tous les anciens présidents fut de composer eux-mêmes le gouvernement en ne laissant à son "collaborateur" que le choix de quelques maroquins (plutôt des secrétariats d'état que des ministères régaliens). A peine élu, Hollande qui se targait de changer de style, nous propose une redite des mauvaises coutumes du passé : personne ne connait le nom du futur premier ministre; du coup on ne voit pas très bien comment il peut préparer son gouvernement dans la transparence; le président élu, de toute évidence consulte, laisse filtrer des noms, en un mot ne s'embarasse guère ce torchon de constitution.
Le style soit disant éloigné des flonflons du règne précédent, s'est aussitôt installé dans une pipolisation de mauvais aloi : une certaine Valérie Trierweiler, dont on nous dit qu'elle est la fidèle maîtresse du président, nous parle de sa conception d'un poste qui n'existe pas, première dame de France, dont on ne comprend pas à quel titre elle l'imagine : nouvelle Maintenon, elle chasse de la cour un Julien Dray qui s'est compromis avec le Diable. La mère des enfants du président envahit les écrans pour nous assomer de sa grandeur d'âme de femme délaissée qui a pardonné et peut donc (à titre de compensation ?) briguer un poste de responsabilité . Et l'aîné des enfants est filmé sous toutes le coutures, pour nous proclamer toute l'admiration dévote qu'il porte à son papa. Marivaudage à Gérolstein.
Les mythes sont époussetés, pour nous servir dans une nouvelle sauce radical-cassoulet, les grands accents de la gauche mitterandienne : l'abolition de la peine de mort est remplacée par l'octroi du droit de vote aux étrangers aux municipales (un combat moral nous assène l'inusable Badinter), la réduction à 39 heures du travail hebdomadaire est remplacée par une retraite à 60 ans pour la classe d'âge des 19 ans (un combat pour la justice ? Parce qu'il est juste que ceux qui n'ont même pas eu de BTS se reposent plus tôt), la réévaluation du SMIC est omise au profit de l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire (une mesurette digne d'un président ... de conseil général), et la fête de la Bastille est resservie dans une version sans enthousiasme symbolisée par un revenant (Pierre Bergé) et un évadé fiscal (Yannick Noah).
Tout est normal, les chaussons des prédécesseurs sont réenfilés, l'illusion du rassemblement autour de l'âtre pendant que soufflent les tempêtes de la mondialisation est offerte à tous.