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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 11:15

Jacqueline de Romilly, est  l’admirable synthèse entre trois traditions qui ont façonné notre culture occidentale : juive d’origine, catholique par conversion, helléniste par choix intellectuel. Ce ne furent pas des rencontres de hasard, un improbable croisement de circonstances vite oublié. Juive, elle souffrit de son origine dans la période la plus barbare que notre Europe occidentale a laissé naître :  chassée de l’Université en 1941 par un régime aux ordres du Mal, obligée de se cacher, non pas pour ce qu’elle était, mais pour se que crurent ses aïeux, potentiellement condamnée à mort pour cause d’existence. Baptisée, dès 1940 (je ne sais pas si c’était une conversion de prudence, comme le firent les conversos ou marranes pour résister à l’Inquisition), elle se convertit à la fin de sa vie, non plus sous la pression des circonstances, mais au bout d’un cheminement spirituel probablement difficultueux. Admiratrice étonnée du miracle grec, elle lui consacra l’essentiel de son talent intellectuel, par son témoignage d’enseignante sur ces héros qui ont fait éclore notre culture : Périclès, Platon, Sophocle, Euripide, Eschyle, Parménide, Phidias, Euclide et Thalès ; incroyable effervescence née dans ce qui seraient aujourd’hui cataloguées comme  des bourgades : Athènes, Sparte, Thèbes, Milet, … ; exceptionnelle multiplication de génies en si peu de temps, parmi si peu d’hommes.

Sa combativité pour tenter de faire survivre ces souvenirs glorieux de notre passé, se mêlait à la tristesse inhérente à son histoire d’opprimée juive depuis des générations, et à cette éternelle gaîté que j’imagine portée par l’espoir niché en elle de la résurrection chrétienne. Une symbiose aussi réussie ne peut que nous rendre pétris de reconnaissance. Sa longue vie, comme celle de Levi-Strauss, furent un mélange de percées intellectuelles, de compréhensions de mondes à ne pas perdre dans l’histoire et dans l’espace, et d’immenses déceptions devant la barbarie triomphante, ou latente. Mais il faut rappeler la dernière phrase de son livre sur Alcibiade, où sous la lucidité pessimiste de l’analyse perce l’appétit d’une beauté transcendante  : « Même quand il s’agit de périodes sombres et d’évènements qui, rapportés par le plus sévère des juges, se rapprochent du plus sordide de notre expérience moderne, il faut s’attendre à voir la lumière héroïque qui transfigure l’homme l’arracher à ce triste contexte pour le lancer hors du temps, dans une univers de beauté où l’on peut contempler l’homme avec fierté » .

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