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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 11:52

« Ben Ali le grotesque successeur du grand Bourghiba » s’exclame Laurent Joffrin dans Libération. Ce jugement étonne car Ben Ali n’a fait que chausser les bottes de son prédécesseur,  dans ses actions pour limiter l’influence de l’Islamisme dans la société tunisienne, sa volonté de développer une économie entrepreneuriale, sa vision d’une société plus éduquée, mais aussi dans sa pratique du pouvoir marquée par le parti unique, l’omniprésence de la police, la toute puissance d’une camarilla corrompue.  Où est la différence ? Les fautes de l’un sont estompées par le passé, absoutes par son combat contre le colonialisme français tandis que celles de l’autre sont l’occasion facile de se déchaîner contre celui qui vient de tomber.

Mais l’éditorialiste enflammé, non seulement se rue à la curée sur le dictateur déchu, mais veut mettre en accusation ceux qui l’on soutenu au nom d’une realpolitik qu’il taxe d’imbécile. L’arrogance du néocolonialiste est patente chez Joffrin : il faudrait mettre son nez dans toutes les affaires intérieures des autres pays, donner des conseils, ou plutôt envoyer des incitations, voire même prononcer des ukazes. Car de manière étrange, ce que nous pensons en Occident est considéré comme le modèle impératif que doivent mettre en place les autres régimes et il n’est pas question d’y déroger. La volonté des autres peuples est devinée au travers du prisme de nos opinions, et il importe d’établir vis-à-vis des pays qui n’ont pas encore atteint notre niveau d’éveil politique de mettre en place une sorte de protectorat appuyé sur la charte des Droits de l’Homme, les troupes de l’ONU, et des Tribunaux Internationaux chargés de juger ceux qui ne se sont pas conformés à nos directives.

Cette caricature de la pensée droit de l’homisme, charriée dans la plupart des éditoriaux, fait fi, de la réalité qui est que la décolonisation est achevée depuis belle lurette, que l’influence de notre Occident est déclinante face aux pays émergents, que nos postulats sur la démocratie et les droits de l’homme, aussi respectables qu’ils soient, ne sont qu’une modalité de pensée qui n’est pas nécessairement acceptée par d’autres cultures.

Mais de tout cela, les Joffrin et consorts n’ont cure. Le seul geste déshonorant de la France, ne pas accorder un lieu d’asile au président déchu en fuite, n’est même pas stigmatisé.

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