« La démocratie a donc deux excès à éviter : l’esprit d’inégalité qui la mène à l’aristocratie, ou au gouvernement d’un seul et l’esprit d’égalité extrême, qui la conduit au despotisme d’un seul . » Depuis cette réflexion de Montesquieu nos démocraties occidentales ont subi bien des avanies qui me laissent penser que l’alternative est moins claire qu’il n’y paraît.
La première leçon est que le pouvoir d’une majorité peut conduire à l’oppression d’une minorité : ce fut le cas des whigs qui ont quasiment éliminé les tories du pouvoir pendant tout le XIX en Grande-Bretagne, ce fut le cas des radicaux et autres républicains opportunistes qui ont éliminé les conservateurs de la vie publique de la IIIème République en France, ce fut le cas des prussiens qui ont éliminé les rhénans en Allemagne depuis Bismark jusqu’à Hindenburg. Dans ces circonstances ce n’est pas un consensus qui a existé mais une lassitude (ou une lâcheté ?) de ceux qui n’étaient pas au pouvoir.
La deuxième leçon est que cette confiscation par une majorité s’est faite sur la transmission de valeurs qui étaient la glorification de la nation et son corollaire l’idée impériale : « England shall rule the world » et la création de l’empire des Indes, le « Drang nach Osten » et le Reich, la « mission civilisatrice de la France » et l’Empire colonial. Cette transmission a relativement bien fonctionné grâce à une intense mise à l’écart des idées hétérodoxes, et à un endoctrinement poussé dans les écoles.
Nous nous retrouvons aujourd’hui sur un système parfaitement bancal où les idées forces de nos nations sont complètement périmées mais où la sanctuarisation de la règle de la majorité provoque des rejets constants de ceux qui ne l’acceptent plus. Le communautarisme de nos sociétés occidentales (qui est un esprit d’inégalité) est peut-être un égoïsme, mais ne serait-ce pas surtout une répulsion vis-à-vis de l’oppression des autres. L’absence d’idées forces (dans nos sphères occidentales, non pas dans le monde islamique, voire indien et chinois) a conduit à un affadissement de toute idée de transmission (transmettre quoi ? comment ?) et peut-être à cet effondrement d’une culture commune donc à une inaptitude à l’ égalité d’analyse et de réaction.