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8 octobre 2012 1 08 /10 /octobre /2012 15:35

Le déni, comme nous le rappelle Nicolas Baverez dans son dernier livre est toujours à l'origine d'analyses fautives et donc de solutions inadaptées. La France actuelle se berce de litanies sur le modèle républicain, l'exception française, la patrie des droits de l'homme, l'héritière des Lumières, le pacte social issu de la Résistance, toutes rengaines qui ont plus d'un demi-siècle, qui ont pu avoir leur vérité un temps, qui ne sont maintenant que le cache-misère d'une absence de réflexion sur la situation d'aujourd'hui. Les médias, les politiques nous gorgent d'expressions qui servent d'alibi à la paresse intellectuelle et ne proposent rien d'autre qu'un conservatisme de la pensée : le principe de précaution (la précaution est sagesse, elle ne peut être préjugé), le refus de stigmatiser (le principe de récuser la haine se transforme en refus d'analyse de comportements collectifs),  l'égalité des droits réels (l'égalité des droits politiques transformée en une tentative tyrannisante d'égalité des modes de vie), le métissage culturel  (qui d'enrichissements d'apports extérieurs s'est abâtardi en relativisme mondialisant). Tout ce méli-mélo s'incarne dans un seul mode d'expression : la compassion. La compassion pour les communautés, les minorités, les exclus, les pauvres, les vieux, les jeunes, les grabataires, les gros, avec en contrepoint une haine mal dissimulée pour tous ceux qui d'une manière ou d'une autre ne correspondent pas à ces critères. La compassion est doublement utile pour celui qui la manifeste, en lui apportant une satisfaction personnelle (voyez comme je suis bon, attentif aux autres) et en lui fournissant le prétexte de déverser sa bile sur ceux qu'il juge responsable de l'exclusion, la pauvreté, les mauvais traitements (c'est le défilé des patrons voyous,  de la finance folle, des populistes racistes, des petits blancs, des conservateurs et intégristes de tous poils). La compassion est à la fois le miroir dans lequel se regarde complaisamment  notre élite gouvernante, et la justification des châtiments (ou au moins du mépris)  qu'il faut imposer à certaines catégories de la population. Elle est surtout synonyme d'un déni de la réalité, permettant de faire l'économie d'actions difficiles en flattant la plèbe.

A force de nier la réalité du monde existant , nos gouvernants refusent d'articuler des évidences : les français ne produisent pas assez et consomment à crédit (c'est la vérité exprimée par notre déficit commercial abyssal), les transferts sociaux sont excessifs (c'est dit dans le montant record de la part du PIB  prélevée par  le secteur public), le communautarisme galope (zones de non-droit dans des cités, règles de quotas, effondrement de la transmission de la culture française). A ces trois évidences (celles que j'ai trouvées, mais il y  en a certainement d'autres) ne sont proposées que des réponses  de circonstance, comme s'il suffisait de donner un cachet d'aspirine à un malade que l'on a pas ausculté. Vous ne produisez pas assez ? Empêchons les licenciements dans des industries malades, sans se préoccuper d'en développer de nouvelles. Vous consommez trop de produits importés ? Surtout pas de réponses qui pourraient conduire à développer l'exploitation de gaz de schistes, ou la construction de nouvelles centrales nucléaires. Vous vivez du travail des autres (retraite, chômage, couverture médicale, etc...)  ? On va créer des commissions pour corriger à la marge certaines prestations sans se donner l'audace de tailler dans les abus. Vous profitez de prestations gratuites du service public ? Concert de hurlements pour préserver ce sanctuaire, voire l'étendre encore, au lieu de se poser la question de la disproportion de certains efforts par rapport au résultat constaté.  Vous vous repliez sur votre communauté ? Là c'est le grand écart entre le respect de n'importe quelle culture et la nécessité prosaïque de quand même vivre ensemble.

Et le peuple conscient de ces problèmes, incline quand même à donner sa confiance à quelques zozos en se disant qu'ils ont peut-être, caché dans leurs manches, une martingale qu'ils n'ont pas vue. Mais comme il ne croit quand même pas vraiment à l'existence de cette solution miracle, il se dit qu'il vaut mieux réclamer encore plus, sur tous les tons, tant qu'il est encore temps. Et naît la rumeur de l'insuffisance de moyens : il n'y a pas assez de policiers, de greffiers, d'infirmières, de professeurs, de gardiens de prison,  de médiateurs, d'aides à la personne. Et prospère le bruit que l'argent existe, et qu'il suffit d'aller le chercher dans les poches idoines : les patrons, les riches, les sociétés du CAC 40, les exilés fiscaux, les hedge funds, les banques, les pétroliers, les agriculteurs productivistes, l'industrie pharmaceutique. Mais la véritable martingale des zozos qui ont été élus depuis des décennies est de hurler avec les loups, prendre quelques boucs émissaires, et espérer que quelque part dans le monde quelqu'un viendra nous sauver : ils appellent celà la croissance économique mondiale ( en espérant que Chinois ou Américains veuillent bien à l'occasion nous laisser quelques miettes d'un festin à venir !), ou bien les eurobonds (pourquoi les allemands ne viendraient-ils pas nous sauver sans que nous ne fassions d'efforts ?), ou encore l'avènement du village mondial qui réduira à peu de choses les différences constatées chez nous (le petit problème est que l'attrait de notre petit village à l'occidentale n'est absolument pas évident dans d'autres mondes comme l'Islam, l'Inde, voire la Chine) . 

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