Je ne voudrais pas apparaître comme cynique. Mais disons le tout net je préfère des corrompus aux Saint-Just. Ne me faites pas dire que j’aime les escrocs. Mais je hais les idéologues. Rien ne me fait plus peur que ces deux expressions : il est intransigeant sur ses idées, il n’a jamais changé d’idées ; pourquoi admirer des gens qui sont sourds et rigides ?
Mais les Saint-Just ont le verbe haut. Pour eux le verbe est une arme. Ils l’utilisent, pour comme à la grande époque de la Terreur, assimiler doucement un suspect à un coupable. Puis, toujours en référence à cette époque révérée du jacobinisme triomphant, ils assènent qu’il convient de sanctionner préalablement les suspects pour éviter qu’ils ne deviennent coupables. Et l’on arrive à entendre des discours tout à fait surprenant du style :
- mais pourquoi n’a-il- pas lancé des contrôles fiscaux ! (il faut des coupables réclamaient les jacobins à la tribune de leur club).
- mais comment peut-il (Mr Woerth) côtoyer quelqu’un (Madame Bettencourt) à laquelle il a appliqué la loi (des rétrocessions fiscales) ! Ce ne sont plus les actes qui posent problème aux censeurs, ce sont les fréquentations, les sous-entendus de ce qu’ils ont peut-être fait , l’absence de moralité du suspect érigée en dogme.
- si sa femme est soupçonnée (de quoi, personne ne précise), alors par transitivité l’époux doit être soupçonné ! Toute notion d’autonomie individuelle est foulée au pied au nom de la solidarité proclamée du groupe des suspects.
Et aussitôt pour péroraison sont tenus ces éternels discours rousseauistes sur la vertu nécessaire de nos hommes politiques ; héritage de la vertu républicaine des romains. Refont surface au nom de l’exemplarité la nécessité de donner une image de transparence, d’une éthique qui transcende les banales règles de droit, une déontologie qui exige plus que ce que dit le droit et les usages. Discours effrayants.