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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 10:23

La France (d’autres pays aussi, peut-être, mais je ne le sais pas) s’abîme dans la compassion. Et que je te plains les pauvres handicapés, et que je pleure sur le sort des sans-papiers, et que je m’attendris sur les femmes battues, et  que je frémis sur le sort des victimes de viols. Que des causes qui, bien entendu, méritent que l’on s’occupe d’elles.  Que des causes qui ne méritent pas ces larmoiements publics, ces traitements simplificateurs.

Je trouve obscène cette appropriation par les politiques, les pipoles, les vedettes du show-biz, les intellectuels du malheur du monde. Vieille attitude de Tartuffe. Je ne les crois pas. Je soupçonne la mise en avant de leur mérite, de leurs bons sentiments. Je crains la campagne d’auto-promotion, de relance d’une carrière, d’entretien du buzz, d’occupation de l’espace public.  Je crains la mise en scène, le remake de l’affaire Calas, la réédition de « J’accuse », la suite de « Sans famille ».

Ah j’imagine la réponse des grandes âmes : qu’importe les motifs si ces actions servent à soulager la misère du monde ; qu’importe le côté paillette si un tout petit mieux a été apporté quelque part à quelqu’un. Plutôt Tartuffe que Ponce-Pilate. Plutôt l’ouverture à tous les problèmes des autres qui nous agressent que le repli égoïste sur soi.

La réponse n’est pas satisfaisante. Dans la longue quête pour soulager le malheur des autres, les pleurnicheries, l’émotion, n’ont pas été les moteurs les plus efficaces. Flatter le goût de chacun pour contempler le malheur des autres et en profiter pour lui extorquer une aumône ne peuvent être des principes de base pour conduire une action. L’apitoiement brouille les esprits, méconnait la logique et peut conduire surtout à la haine des fauteurs du malheur. C’est ce que l’on constate tous les jours à travers nos médias : juste après l’affliction arrivent les commentaires vengeurs, les incitations à la répression, les recommandations de punition.

La moralisation pesante qui s’étale sur toutes les ondes (ne discriminez pas, aidez les malheureux, sauvez des vies etc..) a de fait une conséquence : la mise au pilori de catégories entières de population qui se trouvent brutalement assimilées à des cyniques, des profiteurs, des irresponsables ; et l’on brode sur les patrons voyous, les délinquants de la route, les nationalistes fascisants, les obsédés des bonus et des primes. Plein de petits tiroirs dans lesquels sont rangés des pans entiers de ceux qui nous entourent. Et plus on stigmatise et plus on espère promouvoir sa cause.

Cette gigantesque tartufferie va alors jusqu’à défendre l’indéfendable : des déserteurs afghans venant s’enfuir en France sont présentés comme des réfugiés ; la discrimination qui est la qualité éminente de choisir devient une honte parce qu’elle ne peut qu’ être entachée de racisme, de jeunisme, de je ne sais quelles autres formes de mépris; la repentance qui n'est qu'une forme particulièrement criticable de la responsabilité collective. Oui les tartuffes préfèrent les larmes au raisonnement et à la logique. Ils préfèrent les dévoiements de l'émotion populaire à la sobriété des actions individuelles menées avec discernement.

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