Le mot en promotion dans la supérette de l’Elysée, ces jours-ci, est dignité. Il rassemble paraît-il le pape François I et le président François 0 : comme plus petit dénominateur commun, il était difficile de trouver moins, ou de faire plus flou ; tout l’art hollandais y est résumé, la synthèse pour ne rien dire. La dignité justifie l’apostasie du Conseil d’Etat qui en son nom nous délivre de l’impérieuse nécessité d’une liberté d’expression encombrante ; normalement limitée seulement par les nécessités du maintien de l’ordre public, la voilà soumise à l‘appréciation par les autorités pour un spectacle, une manifestation, un texte, de la notion arbitraire de respect de la dignité ; porte ouverte à n’importe quel abus, à n’importe quelle dictature de la pensée dominante au pouvoir sur la pensée rebelle. Mais aussi, le président sert comme viatique aux malades la promesse d’une loi pour qu’ils « meurent dans la dignité », expression étrange qui sous-entend qu’il serait indigne de vivre ; que les incurables n’auraient le choix qu’entre le suicide assisté et une conduite indigne qui ferait souffrir leur entourage, les autorités sanitaires. Et partout, dans toutes les officines gouvernementales, retentit le chœur de tous ceux qui veulent défendre la dignité des femmes battues ou non, des noirs antillais ou non, des musulmans de toutes obédiences, des nains, des obèses, des paralytiques, des malentendants, des malvoyants, des PMR (personnes à mobilité réduite), des gens exceptionnels (les porteurs de tares génétiques), des enfants, des seniors, des travailleurs, des retraités, des abonnés au RSA, des immigrés avec ou sans papiers, des gays, trans et autres lesbiennes, etc… etc… ; dans tout cet inventaire, on ne voit plus très bien de qui on ne doit pas défendre la dignité ; c’est le charme de ce mot, en son nom il est possible d’anathémiser tout le monde ouvrant la bouche pour émettre une quelconque critique sur n’importe qui.