Oublions-les, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponnier. Non pas leurs collègues, amis, parents, les services compétents de l'Etat, mais tous les autres, nous tous qui ne les connaissons pas. Que nous importe le sort de ces deux journalistes qui sont allés là où on leur avait dit de ne pas aller; pourquoi nous mobiliserions-nous pour des téméraires qui au dernier moment on voulu à tout prix compléter leur reportage pour aller chercher un soit-disant scoop hors de la protection de nos armes. Il n'y a pas d'admiration à avoir pour une inconscience qui n' a qu'un but de gloriole. Les manifestations pour ces deux médiateux, qui non seulement se sont exposés eux-mêmes (ce qui est leur choix), mais exposent quantité d'autres (soldats, membres de services secrets, autres journalistes, membres d'ONG) sont disproportionnées. Où est la logique de ces criailleries face au silence épais qui entoure les salariés d'Arlit enlevés sur leur lieu de travail, alors qu'ils ne faisaient qu'accomplir leurs missions ? Pour ces derniers, pas de nom, pas de lamentations quotidiennes, pas de mobilisation cathodique; et pourtant ils sont les véritables héros, non auréolés de la gloire factice du métier des demi-dieux des médias. Et les réclamations de "tout faire pour les libérer", qui sont compréhensibles de la part des proches, mais qui deviennent indécentes lorsqu'elles sont relayées par des présentateurs, éditioralistes, commentateurs : bien entendu qu'il ne faut pas "tout faire", mais uniquement ce qui est compatible avec la sécurité des autres français en Afghanistan, uniquement ce qui ne peut encourager la réédition de ce genre de méfaits. La compassion est admirable dans le coeur d'une mère, d'un père, d'une femme, chez ceux qui ont subi des épreuves analogues comme Florence Aubenas, et bien d'autres, elle est grotesque dans la bouche des spectateurs.