L’Eglise (c'est-à-dire l’ensemble des fidèles, croyants pratiquants, occasionnels, voire ceux se sentant une affinité ; non pas seulement un clergé) se doit d’avoir des opinions. Trop de politiques veulent éliminer toute référence chrétienne de la sphère du politique au prétexte qu’il s’agirait d’une atteinte à la laïcité ; la religion proclament-ils (Madame Aubry, en dernier lieu) est une affaire privée et ne doit pas interférer avec le domaine public. C’est une drôle de conception de la liberté d’expression. Les chrétiens ont inventé l’idée que le fonctionnement de l’Etat régalien se doit d’être indépendant des croyances (« rendez à César …) ; certains avaient un peu oublié cette idée depuis Constantin jusqu’à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Mais cette séparation n’est valide que pour les actions régaliennes de l’Etat : la défense, le maintien de l’ordre, les impôts nécessaires au fonctionnement de la vie collective. Lorsque l’Etat se dilate pour englober dans ses fonctions l’ orientation des mœurs, une politique culturelle, un impératif éducatif, alors sa légitimité à vouloir tout régenter se dilue. Un chrétien non seulement se doit d’avoir des opinions chrétiennes sur les moeurs, l’éducation, la culture mais a pour obligation de les proclamer (au nom de sa liberté d’expression), et de tenter de les faire passer dans la société (au nom de sa loi morale). Les chrétiens sont divers, leurs opinions sont donc variées. La seule chose importante est pour moi qu’il n’existe pas d’opinions « obscurantistes » ou « modernes » ; ce ne sont que des adjectifs. Le « progrès », la « mode », l’ « opinion majoritaire » ne peuvent rien justifier, ce ne sont que des concepts parfaitement étrangers dans une religion. C’est au nom de ces adjectifs et de ces concepts que l’on voudrait éliminer des discussions passionnantes parce que difficiles : l’avortement non thérapeutique, le suicide (qui n’est pas l’euthanasie), le remariage chrétien, les principes d’éducation (qui ne sont pas nécessairement républicains), la sexualité (qui ne peut quand même pas se limiter à un hédonisme de tous les instants), la politique culturelle (qui ne peut être limitée aux « Lumières » plus le rap et les tags), et la litanie peut continuer.