Les recettes de la Commission Attali, revues à la lumière de la crise économique, laissent complètement sur leur faim. L’analyse du défaut de croissance de la France, élève médiocre d’une Europe à la traîne dans le concert mondial, n’est pas sans mérite sur les handicaps constatés (productivité et compétitivité insuffisante, vieillissement de la population, éducation en régression, performances médiocres en matière d’emploi, manque de confiance des français dans leur destin). Le bât blesse déjà lorsque la commission ne recherche pas vraiment les raisons de l’apparition de ces handicaps ; certaines sont suggérées ici et là, sans véritable effort de justification, rigidité des statuts professionnels, absence de mobilité géographique et professionnelle, contraintes règlementaires ; certaines ne sont même pas évoquées : dumping social des pays émergents, sous-évaluation de l’euro, inconvénients du primat du consommateur par rapport à l’investisseur, inégalité entre les contraintes environnementales entre les différents producteurs mondiaux. Le manque de profondeur de l’analyse rejaillit inévitablement sur le manque de vision des idées présentées. Rien n’est choquant dans ce que propose la commission. Mais l’impression dominante est qu’elle pense qu’il est admissible de continuer de gérer le pays après la crise de 2009, comme avant.
Elle fait l’inventaire des mesures qu’elle avait proposées il y a deux ans pour déterminer si le gouvernement et le parlement ont correctement travaillé depuis. L’absence d’autocritique est navrant. La commission s’en sort en tentant d’élargir les sujets et en proposant des débats sur une variété de sujet ; elle aggrave par là le défaut déjà constaté dans le rapport initial : une liste de débats s’ajoute maintenant à une liste de suggestions. On dirait un inventaire à la Prévert des désidératas de chacun des membres de cette commission. ; les sujets qui fâchent sont soigneusement omis ou amoindris. Comment parler du futur marché du travail en parlant des jeunes et des vieux (pardon des seniors) sans se préoccuper d’une immigration plus ou moins choisie : sans intérêt. Comment parler de la compétitivité des entreprises françaises en se prononçant pour une convergence européennes sans se poser les questions du dumping social, environnemental, monétaire des pays émergents : illusoire. Comment diagnostiquer ici et là que l’augmentation du chômage est due prioritairement au déclin des activités industrielles et ne proposer comme solutions que des incitations à la création d’entreprises dans les nouvelles technologies ; pourquoi ne pas aborder les sujets épineux du redéveloppements des industries chimiques, de la revitalisation des industries textiles.
Au final, ce rapport de suivi est un modèle de suivisme : respectons ce que nous avons proposé, flattons les médias avec des mots à la mode tels qu’innovation, recherche, feignons le courage en choisissant de proposer une amplification des efforts budgétaires, et fuyons tout ce qui pose problème aux gouvernants : que faire de l’euro, comment programmer l’immigration, comment faciliter la construction de complexes industriels, comment favoriser les investissements étrangers en France, comment faire évoluer les monstres qui asphyxient le pays (l’Education nationale, la Fonction publique territoriale, etc…).