Déjà montent les dithyrambes vers Nicolas Sarkozy pour avoir gagné la guerre contre la Lybie . Mais une guerre est chose trop sérieuse pour être le fait d’un homme ; nous ne vivons pas dans une légende épique dans laquelle sont racontés avec complaisance les exploits du héros ; une guerre est le fait d’un peuple (qui n’a pas été consulté, qui n’a manifesté aucun intérêt), mandatant son représentant pour protéger sa sécurité (qui était moins mise en danger récemment par Khadafi, qu’elle ne le fut il y a quelques années) ; nous ne vivons pas dans un empire orgueilleux de faire prévaloir ses intérêts par la force dans les pays aux alentours (quels intérêts d’ailleurs ? des contrats pétroliers ?). La guerre de Nicolas Sarkozy est motivée officiellement par la volonté de propager une idéologie sympathique (celle des droits de l’homme et de la démocratie), profondément enracinée dans nos pays mais dont il n’a jamais été démontré qu’elle suscitait l’intérêt des masses libyennes. Vieux péché de l’Occident de vouloir couvrir ses actions du manteau d’une idéologie de bonté : ce fut l’Empire Romain qui conquit tout l’espace méditerranéen pour protéger la paix, car il était interdit par la religion et la tradition romaine de faire des guerres d’aggression ; ce fut l’épisode des Croisades, pendant lesquelles la charité du Christ servit de prétexte à la suracitivité de jeunes avides de gloire ; et encore la conquête des Amériques où la chasse aux métaux précieux fut couverte du voile de la conversion des autochtones. Et, naguère l’épopée coloniale voulant porter les lumières et notre technicité à l’ensemble de la planète.
A vouloir lancer une guerre idéologique, si je comprends tactiquement gagnée, au nom de nos valeurs, de nos déclarations, de nos coutumes, nous avons certes anéanti un dictateur, mais dans quelle stratégie : l’abrogation de toutes les dictatures sur la terre, l’imposition de la démocratie à l’occidentale dans un pays arabe, la liberté de parole mais aussi de croyance, de mode de vie dans un pays musulman ? A poser ces questions, on se rend compte que la stratégie n’est pas au rendez-vous, et qu’il ne sera jamais question, qu’il n’a jamais été question de « libérer » les peuples musulmans de Libye. La victoire va sans doute se transformer en un simple putsch réusssi grâce à la main de l’étranger ; nous ne sommes ni en Tunisie avec un long passé d’acclimatation avec nos moeurs et qui peut évoluer vers une convergence avec nos systèmes politiques, ni en Egypte qui peut se targuer d’avoir quelques ilôts de population accessibles à nos idées. Nous sommes entrés dans un pays tribal, comme en Afghanistan, encore plus qu’en Irak, et la victoire d’un clan sur un autre ne peut être un but de guerre.
Après les rêves, provisoirement aboutis, inévitablement va venir le temps des déceptions : reprise en main de la situation par les pays arabes au travers de la Ligue Arabe, reprise des contacts par les mouvements islamiques déjà annoncée par le message amical des dirigeants iraniens au rebelles lybiens. Après la gloire née de la résurrection de l’OTAN, va venir l’analyse de l’impuissance européenne qui s’est retrouvée dépendante de l’organisation américaine pour mener cette petite action militaire, qui a constaté l’exiguité de ses forces tant en moyens de communication et d’appui qu’en quantité de munitions. Il est apparu clairement au monde que La France et la Grande-Bretagne n’étaient pas capables de mener une action d’envergure sans l’appui implicite des Etats-Unis (la leçon avait été donnée jadis lors de ‘expédition de Suez, et depuis la situation de ces deux puissances s’est encore détériorée). Après les cris et les rires d’une diplomatie humanitaire aux objectifs court-terme (jugeons la tribu Khadafi) va venir les pleurs et les grincements de dents de l’impuissance long-terme à transformer un pays de rentier maintenu dans l’obscurantisme.
La mondialisation de la diplomatie, appliquée par notre gouvernement (il faut intervenir partout où nous le pouvons, après avoir reçu une approbation onusienne ou américaine) porte les germes de désastres futurs faute de moyens, faute d’objectifs explicites, et pour se fier uniquement à l’intuition : cefut, jadis, la triste histoire de Napoléon III et de ses actions en faveur de l’unité de Italie, et de la libération du Mexique, une litanie d’erreurs commises au nom des bonnes intentions et des bons sentiments.