J’ai aimé la personnalité de Seguin. Cela date de sa prise de position contre le traité de Maastricht. Son courage à l’époque a été immense : il était la seule grande voix qui s’est élevée contre les opinions moutonnières de la quasi-totalité de la classe politique, l’unanimisme béat des médias, les verdicts définitifs des « experts ». Le courage se salue ; un courage qui lui a probablement coûté sa carrière politique ultérieure (le petit fretin des professionnels de la politique se méfient de ceux qui vont contre les opinions établies). La hauteur de vue est admirable ; elle ne fut pas appréciée par ceux qui préfèrent le court-termisme, les coups et les petites phrases.
Il n’a pas démérité, ensuite, dans sa propagande passionnée pour la réduction de la fracture sociale. Son tort alors est d’avoir fait confiance à un Chirac qui a fait sombrer dans le ridicule et l’oubli ce beau slogan. Comment en vouloir à celui qui a été trahi ?
Il n’a pas été lui-même dans sa tentative de prendre la mairie de Paris. Mais la faute en est largement sur les épaules de Tiberi et de ses sbires, et sur l’absence ahurissante de soutien de son « grand ami » Chirac. Sa lassitude évidente a laissé la place à des manœuvres sans gloire et au surplus sans succès final.
Il est sorti de la vie politique en prenant la présidence de la Cour des Comptes. Dommage pour la politique, tant mieux pour la Cour ; c’est une leçon finale : il n’a pas pris cette présidence comme un « fromage », une place au soleil, mais comme un devoir de servir autrement.
J’ai aimé sa personnalité aussi pour ses foucades, même lorsqu’elles ne me semblaient incompréhensibles (son admiration pour Mitterand, sa sympathie pour Chirac malgré toutes les avanies qu’il lui a fait subir) ; ses enthousiasmes que je ne pouvais suivre (Napoléon III, les Jacobins …). Il fut pour moi un homme d’état sans état (dommage !), un homme politique non professionnel (il en faudrait beaucoup d’autres), un fonctionnaire créatif et dynamique (un modèle a méditer pour des bataillons entiers).