L'heure du temps
(Scène à la caserne, au moment d'une incorporation en 1939)
Quelle heure qu'il est ? demanda le sergent de semaine
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Quelques secondes s'égrénèrent.
L'instant présent qui, suivant Platon, sépare l'éternel passé de l'éternel futur s'écoulait à travers la diagonale du temps.
Ou, si l'on préfère en croire Aristote, un seul des probables parmi les futurs possibles se concrétisait dans le réel.
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Dans son orbite la Terre avait parcouru plusieurs centaines de milliers de kilomètres.
Il y avait quelques petits chinois de plus.
Mais dans l'intestin du sergent, la bactérie Escherichiacolia en était à sa troisième génération.
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Quelle heure qu'il est ?
Ô ignorant ! Il est plus tard que tu ne le crois !
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Il est quatre heure dix, répondit le caporal clairon.
Chanson
(1950?)
Soleils des solitudes,
Eaux mortes des regrets,
Larmes taries des remords anciens,
Toi seule et mon amour
Belle tu sifflais dans le clair de lune
La chanson d'amour qui parlait de toi,
Viendras-tu ce soir endeuillée de brume
Réchauffer ce coeur qui transit de froid ?
Oiseaux blancs des aurores,
Tourterelles du souvenir,
Baisers volés sur des lèvres tendres,
Toi seule et mon amour.
Belle tu rêvais dans le crépuscule
Aux serments d'amours murmurés pour toi.
Viendras-tu dans la nuit ? L'abscence me brûle.
Loin de ton cher coeur, il n'est point de joie.
Flèches d'or du désir,
Frissons des fièvres d'aube
Frôlements d'ailes des papillons de nuit
Toi seule et mon amour
Belle tu chantais sur le bord des grèves
L'éternel retour des matins d'été.
Enfin tu surgis du fond de mes rêves
Ô toi, seul amour jamais espéré.
Exotique
(1960?)
Si j'étais marin sur la mer lointaine,
J'irais me vautrer dans les bouges des ports
Et boire à longs traits jusqu'à en perdre haleine
De ces lourds alcools jaunes comme l'or.
Si j'étais marin sur la mer lointaine
J'irais travailler parmi les bordels
Et je flanerais par des rues obscènes
Dans les ports perdus du Coromandel
Je ferais l'amour avec des Chinoises
Et, plaisir pervers, pour tirer le temps
Je chercherais dans leurs yeux turquoises
Le reflet perdu des chers yeux d'antan.
Je ferais l'amour avec des négresses,
D'étranges putains, fleurs de Macassar;
L'ardent souvenir de leurs belles fesses,
Peuplerait longtemps mes nuits de cafard.
J'y ferai l'amour avec des Malaises
Qui m'injurieraient, quand pour tout cadeau
Je leur laisserais, amant trop à l'aise
Des traces de dents marquées sur la peau
Alors le corps calme et l'âme sereine
Sans lamentations comme sans remords
Je repartirais sur la mer lointaine
Voguer à loisir vers un autre port.