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L'heure du temps

(Scène à la caserne, au moment d'une incorporation en 1939)

 

 

Quelle heure qu'il est ? demanda le sergent de semaine

 

      ***

 

Quelques secondes s'égrénèrent.

L'instant présent qui, suivant Platon, sépare l'éternel passé de l'éternel futur s'écoulait à travers la diagonale du temps.

Ou, si l'on préfère en croire Aristote, un seul des probables parmi les futurs possibles se concrétisait dans le réel.

 

***

Dans son orbite la Terre avait parcouru plusieurs centaines de milliers de kilomètres.

Il y avait quelques petits chinois de plus.

Mais dans l'intestin du sergent, la bactérie Escherichiacolia en était à sa troisième génération.

 

***

 

Quelle heure qu'il est ?

Ô ignorant ! Il est plus tard que tu ne le crois !

 

***

 

Il est quatre heure dix, répondit le caporal clairon.

 

 

                                                            

Chanson

(1950?)

 

 

Soleils des solitudes,

Eaux mortes des regrets,

Larmes taries des remords anciens,

Toi seule et mon amour

 

 

                                                           Belle tu sifflais dans le clair de lune

                                                           La chanson d'amour qui parlait de toi,

                                                           Viendras-tu ce soir endeuillée de brume

                                                           Réchauffer ce coeur qui transit de froid ?

 

Oiseaux blancs des aurores,

Tourterelles du souvenir,

Baisers volés sur des lèvres tendres,

Toi seule et mon amour.

 

                                                           Belle tu rêvais dans le crépuscule

                                                           Aux serments d'amours murmurés pour toi.

                                                           Viendras-tu dans la nuit ? L'abscence me brûle.

                                                           Loin de ton cher coeur, il n'est point de joie.

 

Flèches d'or du désir,

Frissons des fièvres d'aube

Frôlements d'ailes des papillons de nuit

Toi seule et mon amour

 

                                                           Belle tu chantais sur le bord des grèves

                                                           L'éternel retour des matins d'été.

                                                           Enfin tu surgis du fond de mes rêves

                                                           Ô toi, seul amour jamais espéré.               

 

 

Exotique

(1960?)

 

 

Si j'étais marin sur la mer lointaine,

J'irais me vautrer dans les bouges des ports

Et boire à longs traits jusqu'à en perdre haleine

De ces lourds alcools jaunes comme l'or.

 

Si j'étais marin sur la mer lointaine

J'irais travailler parmi les bordels

Et je flanerais par des rues obscènes

Dans les ports perdus du Coromandel

 

Je ferais l'amour avec des Chinoises

Et, plaisir pervers, pour tirer le temps

Je chercherais dans leurs yeux turquoises

Le reflet perdu des chers yeux d'antan.

 

Je ferais l'amour avec des négresses,

D'étranges putains, fleurs de Macassar;

L'ardent souvenir de leurs belles fesses,

Peuplerait longtemps mes nuits de cafard.

 

J'y ferai l'amour avec des Malaises

Qui m'injurieraient, quand pour tout cadeau

Je leur laisserais, amant trop à l'aise

Des traces de dents marquées sur la peau

 

Alors le corps calme et l'âme sereine

Sans lamentations comme sans remords

Je repartirais sur la mer lointaine

Voguer à loisir vers un autre port.

                        

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