Né à l'étranger et y ayant passé mon enfance, je ne me sens pas attaché à un terroir particulier de notre France. Catholique pratiquant, je mets mon appartenance à ma religion devant toute autre considération. Peu admiratif des philosophes des lumières, et encore moins des atrocités de la Révolution, je ne prends pas le mot République pour un talisman. Alors suis-je vraiment français, si j'ai grandi hors sol, si je crois à la force de l'Esprit, si les valeurs républicaines ne m'évoquent rien ? Probablement, certainement, surement, moins que d'autres; les uns qui sont à l'aise, chez eux, au milieu des leurs, dans des paysages aimés de leur province; les uns qui n'ont d'autre religion que la laïcité, d'autre priorité que la patrie; les uns qui égrènent avec ferveur une histoire, leur histoire, faite de révolutions, de hussards noirs, de déclarations universelles. Oui, je suis plus qu'un peu français, par le droit du sang, par une culture, par des traditions, par une longue familiarité avec ce pays., mais je ne le suis pas totalement, car j'ai des manques qu'il m'est impossible de guérir.
Comme moi, d'autres sont imparfaitement français : parce qu'ils appartiennent aussi à d'autres communautés auxquelles ils ne veulent pas renoncer, voire qu'ils mettent en exergue. Est-ce un crime d'être à moitié français : non, c'est une réalité. Les bons esprits diront qu'on est français parce que l'on détient un papier qui vous le dit. J'ai horreur de cette approche paperassière, comptable, guichetière. Je crois qu'une Marguerite Yourcenar, quoique n'ayan jamais sollicité la nationalité française, est beaucoup plus française que certains qui se targuent d'avoir leurs "papiers" depuis plus d'une génération. Je crois que Mazarin, le maréchal de Saxe, Marie Curie, furent un peu français quoique nés ailleurs, éduqués ailleurs.
On est pas français par hasard, on le devient plus ou moins au gré des circonstances de sa naissance, de son éducation, de ses croyances. Et tel ne le deviendra jamais, malgré tous les droits du sang, et du sol, alors que d'autres le témoigneront mieux. Il faut le proclamer, nous sommes tous des sans-papiers.