L’arme nucléaire française est née lorsque l’URSS était une puissante dominante avec à la fois une capacité nucléaire pour anéantir notre pays et une armée conventionnelle apte à l’envahir et l’occuper probablement en quelques semaines. La théorie de la dissuasion était celle du faible au fort : nous ne pouvions nous défendre longtemps ou efficacement mais nous pouvions infliger à l’adversaire un dommage inacceptable pour lui. Cette dissuasion ne serait mise en oeuvre que si les intérêts vitaux de la France étaient en jeu. Personne n’avait clairement défini quels étaient ces intérêts vitaux. La seule certitude était que la dissuasion était liée à une menace forte, en cours d’accomplissement contre notre territoire sanctuarisé. La dissuasion du faible au fort est une arme particulière qui pour être crédible ne souffre pas d’interprétation de la part des ennemis.
Le président Macron vient de parler de protéger des intérêts essentiels. Ce langage flou (essentiel est-ce vital ?) , pour lui le summum de l’art de la guerre, est le comble de l’hypocrisie puisque personne ne peut imaginer que l’on puisse utiliser notre arme nucléaire pour défendre Odessa (ou Kiev) voire pour récupérer la Crimée pour le compte d’un autre pays. Il ne veut donc parler que de l’implication directe de nos armées conventionnelles pour défendre l’ukrainité de la Crimée ou des provinces du Donbas., ou, ce qui est à craindre prochainement, le port d’Odessa. Le seul problème est que l’on ne peut dissuader un pays adverse avec les maigres forces que nous avons. Au mieux on l’ennuie. C’est la piqure de la mouche du coche.
Mener une guerre juste en définissant qui est l’instigateur des hostilités est d’importance mineure quand personne ne veut se battre : ni les ethnies non-russes des républiques autonomes de sibérie qui fournissent la chair à canon; ni les ukrainiens qui échappent à la conscription par la concussion; et encore moins les ressortissants de pays membres d’une organisation internationale sans âme, tournée pour l’essentiel vers des projets mercantiles (L’Union Européenne). L’incapacité des armées en ligne est patente entre les ukrainiens qui n’ont pu faire de percée quand ils avaient encore des munitions, et les russes qui n’arrivent à conquérir que des lambeaux de territoires face à des forces exténuées et inférieures en nombre. Les uns n’ont pas les moyens de renverser le régime de Poutine par les armes, les autres ont peut-être la capacité d’arriver jusqu’à Kiev, mais au prix d’une saignée extravagante pour un pays en plein déclin démographique.
Prétendre que nos valeurs sont à défendre sur le Don est sans intérêt puisqu’il n’existe pas de nation européenne qui ait subi le baptême du sang, et les nations qui constituent cette Europe, qui auraient pu prétendre avoir cette expérience, sont en pleine crise existentielle, incapables de se définir une frontière les distinguant des autres, incapables de célébrer leur passé qui pourtant leur permet d’exister, soumises à des influences culturelles qui les dénaturent.
Si les accents martiaux de Macron sont là pour tenter de faire peur à Poutine, l’objectif est louable mais vain s’il n’est pas appuyé sur la recherche d’une issue; les européens peuvent éventuellement donner un coup de col, mais surement pas s’engager dan la lutte au long-terme quand d’autres objectifs sont tout aussi menaçants. Les occidentaux devront, à un terme plus ou moins proche, décider d’un statu quo. Il était d’ailleurs lisible, dans les paroles du président, qu’il ne faisait pas sienne l’idée de réclamer la Crimée pour l’Ukraine : la formule qu’il a utilisée était du style "aux ukrainiens de voir" pour cet objectif (ce n’est donc pas un point essentiel). Encore un effort et il reviendra aux accords de Minsk, assortis cette fois d’une garantie d’intégrité de l’Ukraine.
Beaucoup de paroles pour pas grand chose avec l’inconvénient majeur d’avoir abimé notre doctrine de dissuasion nucléaire.