Le mécénat est une impérieuse nécessité dans notre pays. Le patrimoine du passé est tellement magnifique, réparti sur tout le territoire national, multiforme, celui en train de naître est tellement précieux, indispensable, qu’il est nécessaire qu’il soit l’affaire de tous et non pas de quelques conservateurs retranchés dans leurs musées. Affaire de tous signifie que les personnes physiques puissent y trouver un accomplissement légitime de leurs délires de collectionneurs, de restaurateurs, de découvreurs. Quelques efforts ont été faits avec le régime fiscal concernant les monuments historiques, ou la loi sur le mécénat de 2003. Mais tout ceci n’est pas à la hauteur de l’ampleur des besoins et des demandes.
La loi de 2003 vantée sur le site du ministère, est affligeante dans sa pingrerie ; citons au hasard l’imposition aux droits de succession au taux de 45% des dons faits à une fondation, ou encore la taxation à l’impôt sur les sociétés des activités lucratives au-dessus de 60 000 euros par an (300 euros par jour !) ; contrairement aux commentaires d’autosatisfaction du ministère les comparaisons ne sont pas flatteuses avec l’Allemagne ou l’Espagne.
La loi sur les monuments historiques si précieuse pour la sauvegarde, manque quand même d’ampleur d’ampleur et de vision (en particulier pour la transmission des patrimoines) et puis est tétanisante à double titre pour les propriétaires qui s’y sont soumis :
- du fait de la dictature rampante des architectes des monuments historiques, des architectes des bâtiments de France, des architectes voyers, des commissions municipales. ;
- du fait de l’administration fiscale qui n’y voit qu’une niche qu’il faut tenter de réduire.
Tout dans cet arsenal part d’un triple a priori :
- Les œuvres d’art sont mieux dans le giron de l’état que dans des girons privés ; ce qui est notoirement faux ; il suffit d’examiner le patrimoine religieux scandaleusement sous-entretenu sur l’ensemble du territoire ; il suffit encore de faire l’inventaire des œuvres d’art cachées dans les réserves des musées ;
- Il faut se méfier des mécénats privés qui vont conduire à une confiscation d’oeuvres d’art au profit de quelques uns, voire à la constitution de niches fiscales préjudiciables au bon rendement des taxes de l’Etat ;
- Les mécènes sont des riches ou des sociétés représentantes du grand capital et il serait malséant de leur accorder des privilèges.
La philosophe sous-jacente est typique de cet Etat administrativo-corporatiste qui ne comprend pas que le désir du beau doit être élargi, multiplié, incité, et pas seulement à travers la gratuité de visite de musées pour certaines catégories de population, ou l’organisation fastueuse de grandes expositions, ou encore le lancement de grands travaux de présidents ou d’édiles locaux. La formation d’un goût, d’une culture ne pourrait se faire que sous l’égide d’un ministère ou d’un service de la culture. Conception parfaitement élististe, indigne d'un peuple éduqué. La culture est d'abord un bouillonement, même lorsqu'il s'agit de préserver des oeuvres du passé; c'est ensuite une compétition entre amateurs; c'est au final une énergie qu'il importe de se laisser manifester. Qui pourrait croire que ces termes peuvent se marier avec une ambiance courtelinesque de services, de rapports, de cabinet ministériel.
Les solutions sont simples et s’articulent en volets qui toutes à la fois incitent, protègent, animent :
- Une défiscalisation réelle et complète des fondations tant qu’elles restent dans leur objet artistique,
- Une défiscalisation réelle et complète des initiatives privées tant qu’elles n’aboutissent pas à une confiscation irrémédiable des œuvres,
- Un abandon de l’interdiction de vente des œuvres par les musées pour revenir à une simple obligation de réinvestissement,
- Un renforcement drastique des interdictions de sortie du territoire, qui serait le corolaire d’une plus grande fluidité sur le marché intérieur français,
- Une baisse drastique de tous les droits qui frappent les transactions sur les œuvres d’art (mobilier et immobilier) qui aurait pour but de réanimer un marché de l’art agonisant et tenter de faire revenir sur notre sol des objets égarés ailleurs.
J’attends qu’un parti politique lance enfin une réflexion sur ces sujets au lieu de nous gargariser sur les sujets bateaux du libre-accès de tous à la culture et de l’enseignement artistique.