"Aucune donnée factuelle, si utile soit-elle, ne peut remplacer cette liberté et cette responsabilité (d'arrêt du traitement actif) sans laquelle la médecine ne serait qu'un acte technique dénué d'humanité" écrit le professeur Jean-Roger Le Gall dans le Figaro d'aujourd'hui. Cette phrase pose plusieurs problèmes :
- quid d'une volonté exprimée par le patient, relayée (et prouvée) par l'entourage lorsque le patient n'est plus en état de s'exprimer; le médecin, n'est certainement pas propriétaire de la vie de son patient; devant la volonté supérieure de celui-ci, il redevient un simple technicien (ce qui n'est pas un terme infamant) qui se borne à juger de la validité des désirs dits ou rapportés.
- quid de l'éthique du médecin qui veut sauver une vie résiduelle; devient-il un créateur qui, au nom d'une technique triomphante, veut s'opposer à l'inéluctable ? Le médecin ne peut être un assassin (pas plus et pas moins que les autres êtres humains), il ne peut non plus être un Prométhée qui veut insuffler la vie là où elle n'a plus lieu d'être.
Aucune loi ne peut demander à quiconque de donner la mort sinon à restaurer la profession d'exécuteur des hautes oeuvres, et celà n'est pas un problème spécifique de la profession médicale. Le véritable sujet, qui ne doit pas être esquivé, est de faire survivre un malade par des moyens non proportionnés à son état, à sa volonté, au désir recueilli par son entourage. Il est évidemment extraordinairement complexe, et ne se résout pas avec des lois. Mais une fois que l'on s'en tient aux fondamentaux, le médecin est au service du malade, il n'est porteur d'aucune métaphysique lui commandant de faire l'impossible pour garde un souffle de vie, il n'est pas là pour décider en son âme et conscience si untel doit continuer de vivre ou pas, il n'a pas à faire à tous prix des gestes mécaniques pour prolonger une existence, alors il est possible de revenir à la seule donnée qui vaille : que veut, que voudrait, qu'avait voulu le patient; et en fonction de celà faire les gestes techniques, non pas pour interrompre une vie, mais pour arrêter les traitements actifs.
Je sais bien que la réponse du corps médical est que la quasi totalité des malades voudrait survivre. Je pense, quant à moi, que c'est une surinterprétation : le codicille arraché à quelqu'un dans un état semi-comateux n'a pas de valeur juridique face à des volontés fermes exprimées par un être conscient. La grandeur de la médecine se révèlerait bien plus en s'astreignant à explorer les volontés des individus tombés en son pouvoir que d'exercer une dictature sur des corps.